Aaah Denis Villeneuve, ce cher Denis Villeneuve, qui alimente les passions, redéfinit les thrillers et mêle la psychologie à l’horreur, l’homme qui fait renaître la mise en scène. Qu’est-ce qu’il est facile de devenir fan de ce réalisateur, et encore plus avec Premier Contact. Depuis Prisoners, c’est bien simple, il jouit d’une admiration sans faille de la part de nombreux spectateurs. Dans la veine du maître Fincher, Villeneuve n’hésite pas à imposer son style et à le décliner sous différents genres. Du thriller à l’horreur pour terminer sur la science-fiction tout en redonnant ses lettres de noblesse au genre policier. Sachant qu’il a commencé sa carrière avec des drames fondamentaux, autant dire que le cinéaste a su très bien évoluer dans son domaine.


Sans grande surprise au vu du titre, le cinéaste revisite la tournure que pourrait prendre les événements si une vie extraterrestre venait à prendre contact avec nous. Un scénario mainte fois revu et avec un point de vue pas forcément différent à chaque fois. Ici, en l'occurrence, le développement est clairement plus abouti que ce que l'on a pu voir par le passer malgré une montagne de choses à redire. Ce film est une ouverture claire et facile à la science-fiction intelligente, à la science-fiction que l'on voudrait voir, à la science-fiction théorique, scientifique (sérieusement y a le mot science quand même à la base...), psychologique voire métaphorique, mais de la science-fiction qui fait vraiment réfléchir.


En premier lieu on peut constater un approfondissement du thème de la mère qu'il avait déjà développé dans Enemy. Le sujet n'est pas le fond du film, mais on sent plusieurs séquences y venir. Notamment dans le personnage de la petite fille qui apparaît à divers moments, lors de différentes scènes. Un personnage dont on ne sait pas vraiment s'il appartient au passé, au futur, à l'imagination ou bien encore à quelque chose d'autre. Ce personnage semble intimement lié à la nature, la faune et la flore, mais nous y reviendrons. Ce personnage fait le lien avec la thématique de l'instinct maternel, de ce quelque chose intrinsèquement lié à la mère qui influe sur la sensibilité d'une personne et sur sa capacité à percevoir et protéger. Ce personnage est, tout au long du film une forme de mise en garde, mais envers qui ? Quoi ? Pas forcément l'entité venue d'une autre planète. Mais surtout à travers ces séquences, Villeneuve montre à quel point il maîtrise la mise en scène comme peu de gens savent le faire. Si ce n'est un grand conteur d'histoire ou directeur d'acteur, si ce n'est un grand cinéaste au sens propre, ne doutons pas qu'il a un incroyable sens de la mise en scène. Que ce soit sa capacité à trouver des plans magnifiques comme Nolan ou à filmer des scènes avec une minutie à la Spielberg, il sait rendre ses films grandioses.


Le sujet est abordé avec de réelles problématique, de vraies propositions scénaristique et une important réactualisation d'un point de vue abordé de nombreuses fois. Cependant voilà, aborder le thème du contact extraterrestre c'est s'exposer à de gros risques et surtout se confronter à des idées reçues, des habitudes. Comme dit précédemment il s'agit là d'une histoire finalement assez populaire, donc il y a dans sa construction des actes très classiques, de l'ordre du code de genre presque. En parallèle le sujet est abordé avec de réelles problématiques, de vraies propositions scénaristiques, un important point de vue novateur. En somme, même si le sujet est abordé d'une manière intelligente, il oscille en continu entre bonnes idées et facilités, qui le placent sur un fil de fer au dessus du vide en équilibre incertain. Plaira-t-il, ne plaira-t-il pas ?


Là où la construction du scénario est excellente c'est que tout ne nous apparaît pas immédiatement. Il y a une sorte de double jeu qui se créé. Au lieu d'avoir le suspense uniquement basé sur « Qui sont-ils ? », « Que nous veulent-ils ? », « Comment les gouvernements vont-ils réagir ? », il y a une multitude de petites pistes annexes qui se propagent en parallèle. L'histoire prend forme, les scènes se font progressivement échos et beaucoup de situations prennent sens au fur et à mesure. Pour autant le mystère reste entier jusqu'à la fin, nous permettant de nous imaginer les plus grandes folies sans jamais trouver la bonne réponse. Par exemple, lorsqu'on compare Villeneuve à Fincher, on peut rapidement penser à The Game et l'ingéniosité incroyable dont à fait preuve le cinéaste. Ici, les être venus d'une autre planète parlent à travers une sorte d'écran. A partir de là, on peut rapidement penser aux extrapolations les plus folles, tout droit sorties d'un univers comme celui de H2G2, comme quoi les extraterrestres nous regardent comme étant les candidats d'une télé-réalité interplanétaire. Oui, cela semble complètement improbable, avouez malgré tout que cela pourrait offrir une histoire particulièrement singulière.


Mais voilà, malgré sa bonne construction générale, le film n'échappe pas à quelques très grosses facilités. Inutile de revenir sur les dialogues clichés à certains moments, notamment à la fin, très attendus, très pauvres qui confirment que s'il manque bien une chose aux cinéastes américains, ce sont des dialoguistes. Ce qui est dommage en revanche c'est le côté extrêmement manichéen d'aborder le sujet du point de vue gouvernemental. Si l'on assiste enfin à un désir d'avancer ensemble sur le sujet et non de se diviser à qui aura accès à l'information en premier ou qui sera le chef décisionnaire, on se retrouve malgré tout dans la situation des USA face au reste du monde. Effectivement lorsque vient le temps d'agir, lorsque la discussion a pris trop de temps et qu'il faut faire un choix, alors que chaque pays progressait de concert, d'un seul coup l'un d'entre eux décide de précipiter les choses et seuls les USA ne suivent pas leur décision. C'est assez consternant de proposer enfin une alternative politique aux confrontations entre les plus grosses puissances mondiales pour finalement terminer sur une division aussi simpliste. Et encore une fois, comme à leur habitude, les USA démontrent leur supériorité. Certes il y a une nouvelle mentalité, à savoir celle de ne pas prétendre que les USA sont meilleurs que tout le monde, puisqu'il s'agit avant tout d'une divergence de point de vue globale, mais l'Amérique se donne encore le beau rôle, c'est un peu dommage après un discours légèrement modernisé.


Premier Contact propose quelque chose de manichéen par moment tout en émettant des pistes de réflexions modernes. C'est justement dans son approche du premier contact avec les extraterrestres qu'il sort des sentiers battus et qu'il dévoile tout son potentiel. Le contact, la communication, ne passe pas uniquement par l'apprentissage ou la compréhension du langage de l'autre, mais par la compréhension et l'adaptation de son propre langage. Le film revient à des fondamentaux du langage universel, c'est un film qui nous réapprend à parler, à écrire, à s'exprimer. L'approche de la connaissance avec l'intrus se fait de façon beaucoup plus lente (ils passent des mois à apprendre l'un de l'autre), on est donc bien loin du schéma habituel de divertissement qui voudrait que ça se termine en bain de sang à la première main levée (à l'image de toute population conquérante de l'Histoire dont se basent la plupart des scénarios d'invasion extraterrestre). Le film redéfini l'apprentissage et l'acceptation de la culture de l'autre. Par ailleurs l'approche des USA pour amorcer la discussion dans le film se fait via la science et la linguistique, une approche tout à fait naturelle et logique. La Chine opte cependant pour le Mahjong. Sachant que les extraterrestres sont des hexapodes (des sortes de pieuvres) et qu'ils s'expriment par symbole à travers une sorte d'encre qu'ils produisent, pourquoi ne pas tenter une approche par le dessein ou la peinture, et plus largement l'art ? Le film implique ici que différents moyens de communications peuvent être trouver pour échanger avec quelqu'un, or seulement 2 semblent abordés dans le film dont 1 qui semble être le plus simple et le plus évident. C'est vraiment dommage qu'un tel concept, celui de dire que le jeu est un outil de communication, ne soit pas plus approfondi, bien qu'en disant que le langage est une arme (une arme non meurtrière), ils disent également que la culture et la connaissance le sont également. Cependant, à travers son message, le film lui-même implique que le cinéma aussi en est un, d'outil de communication. Par ailleurs, lors de chaque échange entre les deux espèces (hexapodes et humains), les protagonistes emportent un petit oiseau en cage. Mais aucune utilisation ne semble être faite de ce petit animal. Sa présence est peut-être métaphorique et toutes les clefs de lectures ne sont peut-être pas si évidentes à saisir, impliquant qu'on passe à côté de quelque chose, il n'empêche que l'oiseau se révèle être un potentiel totalement inexploité durant toute l'histoire. De plus, les hexapodes semblent émettre des sons, au même titre que certains animaux marins par exemple, il est assez frustrant de ne pas voir le scénario proposer des pistes dans ce sens. La petite fille le dit d'ailleurs tout au long de ses scènes, elle amorce implicitement qu'utiliser les animaux pour communiquer, puisqu'on a su étudier leurs comportements depuis bien longtemps, serait une excellente idée.


On regrettera l'accélération de rythme lorsque après des mois d'échanges fructueux, une décision est prise, remettant tout cet effort de communication en question.
Évidemment il n'y a pas que la communication avec la nouvelle espèce que Villeneuve met en avant. Le ressenti de la population, la réaction des médias et les agissements politiques sont également abordés en détail. Difficile de savoir ici si la vision du cinéaste est pessimiste ou réaliste, mais il apparaît que les citoyens sont assez idiots et les médias encore plus pernicieux. Les premiers ne trouvant rien de plus productif que de se foutre sur la gueule et de provoquer une véritable guerre civile alors que les extraterrestres n'ont pas encore agis, et les seconds toujours à vouloir critiquer tout le monde et à prétendre que les gouvernements ne sont pas les mieux placés pour parler diplomatie avec une espèce venue d'ailleurs. L'invité sur le plateau du journal télévisé a d'ailleurs un discours tellement idiot qu'on en vient à vouloir lui foutre des claques à travers l'écran. Mais il faut avouer que c'est peut-être le tableau qui se rapproche le plus de la réalité, et pourtant, où est la modernité dans ce discours ? Là encore, ces réactions sont les réactions habituelles développées dans ce genre de film, c'est un peu dommage de ne pas donner plus de crédit aux citoyens lambdas. De même, on regrettera l'accélération de rythme lorsque, de but en blanc, après des mois d'échanges fructueux, une décision est prise, remettant tout cet effort de communication en question. On en vient à se dire qu'après avoir réappris à parler et à s'exprimer, nous n'avons en fait pas progressé puisque la définition des termes n'a toujours aucune nuances à nos yeux. Par exemple le terme « se battre » peut-être compris physiquement comme mentalement, il a plusieurs définitions. C'est une règle de base de la linguistique que les protagonistes du film ont mis 2 mois à réapprendre pour terminer sur un basique « Ah ben non ça veut dire qu'on doit se mettre une rouste ».


En fin de compte Premier Contact ouvre vraiment les portes d'un cinéma de science-fiction plus abouti, plus concret, plus poussé, plus réfléchi. Mais il le fait sans se défaire des vilaines habitudes. Il cherche la modernité au sein de la facilité. La mise en scène en fait une œuvre grandiose et riche, mais son scénario se perd entre bonnes idées et facilités. Le film est rempli de petites pépites originales cependant jamais pleinement développées. Il se perd dans ses nouveaux concepts, dans ses discours formateurs et modernes sans parvenir à s'exempter du format déjà bien connu qui se faisait avant. Il laisse cependant place à une bonne part d'interprétation et offre du spectacle extrêmement impressionnant et intéressant qui confirme que le réalisateur est toujours aussi bon qu'on le pense.


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le 19 févr. 2019

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