Après Jeff Nichols avec Midnight Special, c'est au tour de Denis Villeneuve de s'attaquer à la science-fiction. Le genre a ses codes, mais comme Stanley Kubrick avec 2001, l'odyssée de l'espace, voir Steven Spielberg avec Rencontres du troisième type, ces réalisateurs ont pris un malin plaisir à ne pas mettre en scène des œuvres conventionnelles.


Mon attente était énorme, tant Denis Villeneuve sait secouer mes convictions en jouant avec mes émotions. Sa réalisation est froide, voir glaciale et pourtant il s'en dégage beaucoup de chaleur. Il joue sur le cadre, en décidant de nous montrer ce qu'il veut en laissant notre imagination faire le reste du travail. C'est ce que j'apprécie dans sa mise en scène, le fait qu'il mette le spectateur à contribution, en lui laissant faire des propres conclusions. En cela, il se rapproche du cinéma de Stanley Kubrick. Il nous donne son oeuvre et on en fait ce qu'on veut, selon notre sensibilité. Dans les mains de tels réalisateurs, le terme de 7ème art attribué au cinéma prend toute son ampleur. Il nous invite à contempler sa toile et nous laisse réfléchir aux événements, en ne donnant pas toutes les réponses, aux questions que soulève l'histoire.


Dès l'introduction, Denis Villeneuve nous donne les éléments pour comprendre les événements qui vont suivre, sauf qu'on ne le sait pas encore. La naissance, l'alliance, les rires, la maladie et le décès, résume la vie, mais surtout celle de Louise Banks (Amy Adams). On passe de la lumière à l'obscurité en un instant. Un voile s'est posé sur la vie de cette femme en deuil. Elle erre seule dans sa demeure et se plonge dans son travail pour apaiser sa douleur. L'arrivée de vaisseaux extra-terrestres ne semble pas perturber son quotidien, elle continue de se rendre à l'université pour donner des cours, alors que le bâtiment est vide. Le monde s'est arrêté et tout les regards se sont dirigés sur la présence de ces objets volants non identifiés. Ils sont au nombre de 12 et se trouvent dans diverses zones géographiques de notre terre. Elle va être mise à contribution pour décoder leur langage et découvrir leurs intentions.


"Pourquoi sont-ils là?" c'est la question que tout le monde se pose et de la réponse, en découle la réaction des pays à cette intrusion dans notre espace aérien. Dans les pas d'Amy Adams (exceptionnelle), on va se rendre dans l'un de leurs vaisseaux et assister aux divers échanges. La plus grande problématique est la barrière de la langue. Le dialogue doit s'instaurer pour communiquer et comprendre la culture de chacun. Mais comment réussir à échanger avec des extraterrestres, alors que nous sommes incapables de le faire entre nos différentes nations et même en leur sein? La perception d'un mot est différente d'un pays à un autre, que ce soit selon le contexte ou l'intonation. Selon notre langue, on pense différemment et on ne voit pas le monde de la même manière. Cette problématique est intéressante, même si ce n'est pas la seule, le film oubliant de prendre en compte celle des religions.


Comme dans Sicario, la première partie est plus réussie que la seconde. Il met aussi à nouveau en scène une femme pour en faire son héroïne, mais cette fois-ci il délaisse les personnages secondaires, en les réduisant à des représentations de réflexion différente de la linguiste. Le scientifique Jeremy Renner, le militaire Forest Whitaker et l'agent de la CIA Michael Stuhlbarg. Les deux derniers agissent sous les ordres de leurs supérieurs, alors qu'elle est un esprit libre ne se laissant conduire que par son instinct avec le soutien du scientifique. Elle n'a rien plus à perdre et peut jouer avec sa vie. Mais en coulisses, la peur de l'autre est plus forte. C'est difficile de rallier toutes les nations à une même idée ou réaction, on peut malheureusement le voir avec la situation d'Alep. Le militaire a le pouvoir et n'attend qu'un signe du scientifique pour ouvrir les hostilités. Nous sommes des peuples se nourrissant de la guerre, notre histoire s'est construite sur des génocides, guerres et autres exactions qui ont toujours lieu de nos jours.


Il y a comme un gout d'inachevé en sortant de la séance, avec le sentiment de ne pas être passé loin d'un chef d'oeuvre. Le temps modifiera peut-être mon avis, mais je n'ai pas retrouvé la sensation que m'avait procuré Enemy. Le film m'avait collé au corps, longtemps après son visionnage. Pourtant, il reprend des procédés de ce dernier avec l'apparition d'un extraterrestre dans un lieu où on ne s'y attend pas. Mais surtout, ils ressemblent à ses immenses araignées qui se déplaçaient dans la ville, une vision qui reste ancrée dans mon esprit. C'est aussi trop court. Alors que le film avance lentement, on se prend une accélération avec une voix off sortie de nulle part, résumant la situation géopolitique et l'avancement dans les échanges avec eux. La fin nous laisse aussi dans l'expectative, avec un dénouement en apparence facile et ses raccourcis scénaristiques gâchant un peu le plaisir. C'est plus contemplatif, moins introspectif et pourtant on ressent diverses émotions dans le regard d'Amy Adams.


Le film soulève diverses questions sur nous-même, sur notre manière de voir le monde et d'accepter notre destinée. C'est une expérience donnant une autre vision des extraterrestres, ils sont là pour nous permettre de prendre du recul en nous remettant en question, car on a toujours besoin d'un point de vue extérieur pour voir nos erreurs et les réparer, du moins si on le souhaite.

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le 13 déc. 2016

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Laurent Doe

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