Si la Terre avait un langage

Contrairement aux autres métrages de Denis Villeneuve (Prisoners, Sicario), Premier Contact ne jette pas sur l'humanité un regard aussi sombre, voir tordu. Au lieu de ça, le réalisateur choisit d'opter pour un ton plus léger (quoiqu'un peu froid dans ses premiers instants) mais toujours sérieux avec le mystère entourant cette arrivée de visiteurs venus d'ailleurs, et des humains qui tentent de communiquer avec eux. C'est ce qui rend Premier Contact si intéressant. Villeneuve n'hésite d'ailleurs pas à injecter à son histoire des éléments dignes du 2001 de Stanley Kubrick pour donner du pep's au visuel de sa narration, mais aussi pour la rendre bigrement captivante : design fouillé des vaisseaux spatiaux comme de leurs occupants, angles de caméra à la limite de la claustrophobie, BO envoutante signée Jóhann Jóhannsson... Et la sauce prend, même si le rythme semble s'emballer un poil dans sa dernière partie.

Premier Contact ne repose pas sur un conflit entre les humains et les extraterrestres pour tenir ses spectateurs en haleine (Au placard Independance Daube...) Chaque fois que les personnages interagissent avec les aliens, qui restent couverts de brume pendant la majeure partie du métrage, nous, en tant que simple public derrière notre écran, engrangeons au même titre que nos héros quelque chose de nouveau, sous forme de connaissance et de découverte... ceci plutôt que d'action gratuite au mauvais parfum de blockbuster popcornisé. En ça, le film est une réelle bouffée d'air frais. T'as vu, Emmerich ? T'as vu, Bay ?
Et une fois de retour au monde extérieur, la façon (ou plutôt les différentes façons) dont les médias du monde entier traitent ces informations est toujours sans appel, jamais identique. La communication : le thème de ce film, posé intelligemment. Nous n'habitons pas une planète ; nous habitons une langue.

Les protagonistes constituent l'une des forces de ce film. Ils ne sont pas traités comme des pions, mais plutôt abordés comme de vraies personnes qui veulent juste des réponses à cette situation. Amy Adams est vraiment la star de ce film, merveilleuse de gravité et de vulnérabilité (sans jamais surjouer une seule séquence). Elle incarne ici une femme d'abord terrifiée de rencontrer ces êtres, mais qui gagne en confiance au fur et à mesure qu'elle en apprend plus sur leur dialecte. Les "flashbacks" suggérant un événement tragique dans la vie de cette professeur de langues révèlent également la lutte intérieure qu'elle doit mener alors que le sort du monde repose sur ses épaules. Jeremy Renner fait un bon travail en tant que physicien, donnant au film sa dose d'humour non exagérée. Pouce levé également pour Forest Whitaker en colonel dont le travail est de trouver la solution la plus sûre et la plus humaine possible à une telle situation. (Un militaire qui a de la conscience, si si ça existe au ciné !)

Premier Contact, de par son traitement du langage, montre comment nous, humains, sommes divisés par le fait que chaque nation terrestre interprète la "langue" des aliens différemment. Et de ce manque de compréhension naissent à la fois la peur et la paranoïa, qui pourraient mener notre monde à une guerre globale. Les images de chaos et de rixes disséminées en milieu de film sont là pour le rappeler. De quoi se remémorer un sympathique film de 1951 qui s'appelait Le Jour où la Terre s'arrêta.
Mais Premier Contact montre que, malgré le mystère découlant de l'inconnu créé par une telle situation, l'avenir peut être tout aussi optimiste et lumineux... tout comme il pourrait être effrayant. Une fois passé le twist final, la morale du film, sans spoiler, me semble plutôt la suivante : peu importe de quoi est fait l'avenir, nous devrions l'aborder en toute confiance.

Denis Villeneuve confirme son talent pour la science-fiction avec ce Premier Contact plus que convaincant. Le constat sera-t-il le même dans quelques mois avec son Blade Runner 2049 ?
T'es attendu au tournant, canadian man..