Dans la lignée d'un cinéma plus spirituel

Un film vraiment inattendu et qui malgré quelques défauts a des qualités suffisamment rares pour être vraiment appréciable.


Petit rappel pour les bases qui permettront une meilleure compréhension du scénario. Dans le Bouddhisme, la loi de l'impermanence (l'aspect éphémère de toute chose) impose deux réactions : le besoin de contrôle ou le lâcher prise. Cette loi de l'impermanence est directement liée à la notion de temps, car si le besoin de contrôle rend les souvenirs envahissants au point de s'empêcher de vivre l'instant présent (afin d'éviter de reproduire les souffrances du passé), le lâcher prise permet de vivre pleinement une expérience en étant conscient qu'elle aura un début, un déroulement et une fin, donc de vivre l'instant présent pleinement, sans chercher à le faire perdurer. Ce n'est aucunement du fatalisme, ni une attitude pro-life, c'est le simple fait d'assimiler que la vie est faite de cycles qui commencent et s'achèvent.


L'écriture ronde (logogrames) des extra-terrestres de Premier Contact (The Arrival) émet des concepts hors du temps et comme il l'est dit dans le film, ce langage permet de concevoir la vie et le temps autrement, jusqu'au point d'avoir des flashes-forward. Ainsi même si le personnage de Louise sait qu'elle perdra sa fille d'une maladie rare (présentée au départ comme si c'était un élément chronologique antérieur à l'action du film), elle décide tout de même d'avoir son enfant, pour vivre la série d'instants qu'elle doit vivre. Elle n'évite pas la douleur, mais elle n'évite pas non plus la vie et l'expérience d'être heureuse en ayant Hannah. Nom sur lequel il est précisé avec insistance qu'il s'agit d'un palindrome et donc qui peut confondre son début et sa fin. Or, le film débute sur l'existence


et la mort


d'Hannah et il se clot de la même manière, comme un palindrome, Louise est enrichie de l'expérience d'avoir été mère, tout en lâchant prise sur la mort de sa fille. Alors que Ian ne peut le supporter, ne pouvant avoir de contrôle sur la fatalité de la situation, il la fuit. On a à la fois de quoi boucler la boucle et une parfaite représentation des deux choix face à loi Bouddhiste sur l'impermanence.


Elle sait qu'elle va perdre sa fille, mais elle en fait tout de même l'expérience. Ce n'est pas de la fatalité, c'est juste le choix d'expérimenter le fait d'être mère, non pas pour le bonheur qui en découle ou la possibilité d'en modifier le déroulement (comme il en est souvent question à Hollywood), c'est le choix de rencontrer Hannah. De l'accueillir et de la laisser repartir, donc on est bien sur du lâcher prise et de l'impermanence. Et cela illustre justement bien le scénario circulaire du film.


Rien ne l'empêchait de vivre autre chose, d'être en couple avec un autre homme, avoir un autre enfant. Mais le message aurait été moins clair, et moins émouvant. Note qu'elle vit son expérience d'être mère dans la joie et non dans une dépression totale, malgré l'abandon de Ian et la maladie de sa fille. Il y a une certaine sérénité et une grande sagesse dans le personnage de Louise.


Ce que cela apporte au film c'est qu'il s'agit d'une métaphore de l'expérience humaine, voir de l'expérience de vie avec une temporalité linéaire (là où celle des heptapodes semblent être, par déduction, une forme de vie plus absolue et hors du temps). Même si nous sommes des êtres temporels et que les extraterrestres parviennent à communiquer hors du temps, cela ne diminue pas la valeur de nos expériences. L'importance n'étant pas de fuir la souffrance ou la mort (ce qui serait le choix de ne pas faire d'enfant pour Louise), mais de vivre et de prendre part au monde, puisque c'est ainsi que les humains existent et évoluent, avec notre part de temporalité.


Autre chose : les heptapodes affirment avoir besoin des humains dans 3000 ans. Le chiffre 3 (trinité / 2 parents + un enfant / 12 vaisseaux 1+ 2 =3) qui est mis en face du chiffre 7 des heptapodes à 7 jambes, dont la valeur Biblique est l'addition de 4 + 3 (4 points cardinaux + 3 chiffre de Dieu). Cependant nous avons des lacunes de langage et ils offrent à l'humanité l'outil (autre référence à 2001, au passage 2 + 0 + 0 + 1= 3 mais je n'affirme rien d'un point de vue numérologique...) qui nous permettra d'avoir un langage universel. Un message donné à une femme, par un être venu du ciel, qui deviendra mère.... ça ne rappelle rien?

EddyPero
9
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le 8 févr. 2018

Critique lue 179 fois

Eddy Pero

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