Critique initialement publiée sur CloneWeb.net


En France, le bistrot de quartier est une institution, presque un cliché. La version espagnole n’est pas en reste. Le bar hispanique est vieillot, au sol souvent couvert de papiers gras (et de mégots jusqu’à il n’y a pas si longtemps) et on y parle fort. Pourtant, il y demeure une atmosphère chaleureuse, la plupart du temps grâce à un propriétaire jovial, curieux et serviable. On peut y manger des churros gras dès potron minet, des tartines grillées à la purée de tomates et à l’huile d’olive et y boire du café sous toutes ses formes. En journée, les verres de bières se mettent à remplacer la caféine mais, dans tous les cas, c’est un lieu qu’on fréquente avec plaisir.


Alors quoi de plus normal que de faire d’un bar du centre de Madrid le coeur d’un des films les plus couillus de ce début d’année ?


« El Bar » puisque c’est son titre original s’ouvre sur un long plan-séquence à un carrefour. On y suit une jeune femme au téléphone, elle croise un clochard, la caméra revient sur elle pour repartir sur d’autres personnages. Ils ont tous un point commun : ils vont tous finir dans le bar du film, et s’y retrouver coincés. En effet, l’un des protagonistes va se faire abattre dès qu’il aura mis le pied dehors. Pourquoi ? C’est toute la question que pose la première partie du récit, après avoir introduit une galerie de personnages hauts en couleurs dont la patronne du bistrot, son employé, la jeune femme du téléphone qui cherche un chargeur ou encore un hipster à barbe casque vissé sur les oreilles.


Vous l’aurez compris, le premier acte de ce Pris au Piège est comme l’indique son titre français un huis clos façon bunker dans lequel des personnages très opposés et forts de caractère comme les aime Alex de la Iglesia vont devoir apprendre à cohabiter. Le réalisateur s’efforce de maintenir un rythme tendu, avec différents rebondissements et sans jamais verser dans la facilité, donnant à son histoire des échos très actuels puisque les protagonistes évoquent rapidement le terrorisme. Comme dans L’Ange exterminateur de Luis Buñuel, source d’inspiration avouée du réalisateur, les personnages vont révéler leur noirceur jusqu’à ce que le récit parte complétement en vrille.


Le réalisateur de Balade Triste de la Trumpeta aime faire partir ses histoires dans tous les sens et leur offrir des chapitres finaux démesurés par rapport à leur point de départ. Souvenez-vous du final de Balade Triste tourné à la « Valle de los Caídos » sur une croix géante à la gloire de Franco. El Bar ne déroge pas à cette règle puisque le récit bascule dans le film de monstre dans une dernière partie tournée dans un égout, rappelant à petite échelle le Blade 2 de Guillermo del Toro, mais où la créature se révèle être ici un humain.


El Bar ne déroge pas aux autres habitudes du réalisateur qui livre un film parsemé d’humour, souvent corrosif, et sans jamais prendre de pincettes. S’il est moins dingue qu’un Zugarramurdi, moins impressionnant qu’un Balade Triste, le film vaut surtout pour son rythme effréné qui plairait à un Edgar Wright et à ses incroyables personnages. Si le réalisateur peine à sa sortir ses films en France (Un Jour de Chance a mis un an à nous parvenir, Mi Gran Noche est apparu sans tambour ni trompette sur Netflix), ce n’est pas pour autant qu’il faut passer à coté. Pris au Piège se révèle tout simplement être l’un des meilleurs divertissements de ces derniers mois.

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le 5 sept. 2017

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