America, land of faith, hope and sin.

Voici une petite tentative de décryptage du film - avec spoilers et spéculations

Un pitch simple: Deux petites filles sont kidnappées le jour de Thanksgiving. L'un des père (Hugh Jackman) ne croit pas en l'efficacité de la police, représenté par l'inspecteur Loki (Jake Gyllenhaal) et fera tout pour retrouver sa fille par lui même, jusqu'au point de non retour.

Ça ne pouvait pas tomber un autre jour que Thanksgiving, l'une des fêtes préférée des Américains, une date où se retrouvent amis et famille pour "remercier" dieu pour les bienfaits de toute une année. Une fête en réalité hypocrite qui ne fait que camoufler le massacre des indiens par les Pères pèlerins, mais bien encrée dans la tradition américaine. C'est le départ qu'à choisi l'auteur pour nous engager dans le labyrinthe du film.

Un labyrinthe avec 2 héros qui doivent trouver leur chemin vers les victimes et en sortir.
Comment? Par la foi.

Le personnage de Hugh Jackman (Keller Dover - prénom rare en provenance d'Europe, issue des premières familles immigrés aux US) fait une prière avant que son fils ne tire sur une biche. Une scène cruciale où le père transmet les valeurs des Pères pèlerins (on protège sa famille, on nourrit sa famille, on garde toujours la foi) transmission qui resurgira sous d'autres formes pour installer la place de l'homme au sein d'une famille. Cette chasse (sacrifice de l'animal) servira de repas pour le fameux Thanksgiving.

Le repas consommé, nous pouvons passer aux choses sérieuses, la disparition des enfants, avec un petit message d'avertissement à tous les parents: ne jamais laisser les enfants sortir seul même lorsque la maison est à deux pas, personne n'est à l'abris, surtout avec autant de prédateurs sexuels dans un périmètre de 15km. Ce n'est pas le premier enlèvement dans l'Etat et c'est un expert qui sera chargé de l'affaire, l'inspecteur Loki (on laissera échapper un sourire nous faisant penser à Thor, pour nous rappeler que Loki est un dieu un peu lunatique issu de la mythologie nordique, qui a un problème avec la hiérarchie et dont le nom d'origine germanique signifie selon Wiki : l'action de fermer un cercle ou par extension, voyager à travers des chemins sinueux). Ce Loki a résolu tous ses cas jusqu'à présent, se consacrant exclusivement à son travail (on se doute que la plupart des victimes était mortes, vu la tête que fait Jake), mais cette double disparition là lui donnera plus de difficulté, d'autant plus que Keller n'est pas très coopératif.

Le réalisateur passe beaucoup de temps à nous montrer :
- les défaillances d'un système où les policiers n'ont pas les ressources pour surveiller/protéger les gens, mais paradoxalement font ratisser toute la forêt pour retrouver les fillettes (plusieurs fois même).
- un père paranoïaque (encore un effet post 11 septembre) qui prie pour le meilleur et se prépare au pire ; devenant avec le désespoir, un bourreau en kidnappant et torturant celui qu'il pense intimement être le coupable (un arrière goût de Guantanamo).
- un flic qui est plein de contradictions, qui n'a plus la foi (il a apparemment été dans un centre pour délinquants juvéniles où les prêtres étaient pour la plupart pédophiles - simple spéculation) mais qui croit aux signes, aux preuves et à son instinct (son penchant pour l'astrologie, les messages à l'intérieur des fortunes cookies, ses tatouages).
- les "coupables-innocents" (Paul Dano et son ami), anciens enfants kidnappés et ayant tous les deux des personnalités d'emblé suspectes à cause de leur apparence.

Mais ne fait qu'évoquer sans développer, à notre grand regret:
- l'histoire du couple fanatiques menant une guérilla contre dieu en kidnappant des enfants pour que les parents perdent la foi.
- au-delà du jeu et de l'énigme, le labyrinthe (qui est montré sous forme de dessin à mainte reprise) est religieusement parlant, très symbolique et représentent des chemins suivis par les pénitents réalisant leur voyage vers la terre sainte. Le voyage se fait normalement à genou (on verra Hugh Jackman prier à genou lorsqu'il ne supporte plus de torturer Alex et à la fin dans la grotte, lorsqu'il prie pour sa fille). Il faut atteindre le centre du labyrinthe et pouvoir le traverser et ressortir (pas toujours indemne). C'est un parcours que tous les personnages prennent dans le film, mais où seuls les personnages principaux iront au bout d'eux même.
- les serpents (adorés par le kidnappeur d'enfant + cachés dans des malles) toute une symbolique de la Genèse. Un clin d'œil à l'Ancien Testament faisant de ce reptile le symbole du mensonge et de la ruse. Il s'insémine dans les couples du film et provoque le mal et tente la femme de Franklin (le 2ème couple à avoir perdu leur fille Joy) en lui faisant approuver la torture du "coupable". Le serpent est aussi lié à l'origine de la vie et de la mort, symbolisé par les 2 arbres dans la genèse (celui de la connaissance du bonheur et du malheur) - arbres que nous voyons avec incompréhension au début du film, lorsque le réalisateur fait un travelling avant en premier plan sur des arbres et en arrière plan, la maison.
- tous les enfants sont innocents, ils sont le "fruit du pêcher" des parents.

- Le "+": Jake Gyllenhaal qui est absolument génial, qui nous renvoie sensiblement vers "Zodiac" de David Fincher. Il est le point fort du film malgré un personnage un peu trop pré-fabriqué par le réalisateur (les tatouages - la croix, l'étoile mystérieuse, les signes astrologiques? sur les doigts, la bague franc maçon, la coupe étrange, la chemise bleue boutonnée jusqu'au cou, le flic solitaire, sans famille qui a toujours retrouvé les victimes et qui s'en fou au final d'avoir une promotion) + les petits moments de doute (rares) + la scène de la course folle pour arriver aux urgences + des noms choisis pour ses références bibliques, historique ou mythologique (Grace, Joy, Holly, Keller, Franklin, Loki).

- Le "-": un scénario et montage déséquilibré surtout pour 2H30 de film! + tendance à avoir un train d'avance sur les héros, nous privant du plaisir d'être surpris (le médaillon en forme de labyrinthe) + Maria Belo, éternelle mère/femme désabusée (History of violence de David Cronenberg) et ici tristement mauvaise + overdose de l'excellent Paul Dano qu'on nous présente toujours en sociopathe + le flou scénaristique qui s'applique aux serpents, Bob Taylor, les tatouages de Jake, le suicide du père de Hugh Jackman.

Le film mérite 6/10, mais +1 pour Jake et pour tous ces éléments de réflexion post projection. Malgré tout l'effort d'en faire thriller intelligent, Villeneuve choisi d'emprunter des pistes faciles, sans nous mettre en danger et c'est bien regrettable.
clian
7
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le 13 oct. 2013

Critique lue 8.7K fois

3 j'aime

clian

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