Dire que j'ai attendu ce film avec impatience est un euphémisme. Je suis un grand fan d'Alien, cette saga est fabuleuse. J'ai une confiance totale en Ridley Scott qui a révolutionné le cinéma à chaque film de science fiction qu'il a réalisé. Alors quand j'ai appris qu'on allait avoir le droit à un plus ou moins prequel d'Alien, qu'on allait enfin avoir une réponse aux questions laissées en suspend à la fin d'Alien 4, j'étais impatient. Je suis allé voir Prometheus dans l'optique de trouver ces réponses et de voir un beau film de science-fiction, réalisé par un gars qui a un talent indéniable, peut être pas directement connecté à Alien mais qui allait donner, "dans les dix dernières minutes", quelques réponses.
Après la séance, je dois avouer que j'étais sacrément dégouté. J'avais l'impression de m'être fait complètement pigeonné. Je ne ressortais pas avec des réponses, mais avec le double, au moins, de questions, face à ce film pas très compréhensible. Qui sont ces Ingénieurs ? Que font-ils exactement ? Pourquoi avoir construit une telle bâtisse ? Pourquoi une tête humaine ?! Non vraiment j'étais dégouté, écœuré, je voyais mes dix euros sournoisement volés par un Ridley Scott se foutant de ma gueule.
Puis j'ai réfléchi. Scott a fait exactement la même chose qu'avec Alien. Ce film posait des questions, il n'y répondait pas. D'où venait l'Alien ? Pourquoi le vaisseau était-il abandonné ? Trouver une réponse n'était pas au cœur du film. Ce n'était pas important. Ce qui l'était, par contre, c'est qu'il était là, cet alien et qu'il fallait s'en débarrasser avant qu'il ne tue la pauvre Sigourney (en culotte).
Prometheus ne répond pas aux questions, il n'a pas le temps de le faire. Ce n'est pas important, en somme. Ce qui importe c'est ce huis clos insupportable, à l'échelle d'une planète, cet engrenage qui peu à peu se resserre et montre les fragilités du genre humain. Peu importe la réelle identité de ceux qui nous ont crées, peu importe pourquoi il nous haïssent, peu importe la façon dont ils nous ont fabriqués, peu importe la tête humaine, les vases, le cristal, les face-huggers. Ce qui est important c'est que ces faits sont là, et que nos pauvres héros doivent faire avec, et essayer de survivre. Ce film est donc résolument un film à énigmes, un film peuplé de milles questions qui ne trouvent aucune réponse, exactement comme dans Alien.
Mais à y réfléchir plus longuement, la force de ce film est dans la suggestion de ces mêmes réponses. Car un réseau de liens, peu à peu, se créé. Des liens entre le space jockey, enterré, entre les vases et les œufs d'Alien, un lien entre le tout début du film, ce suicide spectaculaire, le vaisseau qui part, et ces Ingénieurs enfermés dans leur propre piège. Un lien entre ces face-huggers d'un nouveau genre, dont celui-là, gigantesque, qui achève le "dernier" des Ingénieurs, et les face-huggers familiers, d'Alien. Oui, inexorablement une toile de liens se tisse entre une pluralité d'éléments, qui suggèrent une réponse et qui est propice à l'élaboration d'une pluralité de théories. Car finalement, apporter une réponse à ces questions supposerait mettre le spectateur au même niveau que les Ingénieurs, en nous révélant leurs secrets. Face à ce parti pris, peut être moins risqué sur le plan des critiques, Scott préfère celui de nous mettre au même niveau des humains. Nous sommes aussi perdus qu'eux, forcés d'élaborer des théories en même temps qu'eux, comme la suggestion d'une arme nucléaire, susurrée par le commandant de bord à un moment. Les humains, une arme nucléaire ? Mais pourquoi alors vouloir nous détruire ? Pourquoi est-ce que ça a raté ? Comment ont-ils, de toute façon, pu prendre contact avec nous ? Voilà, encore une fois : tenter de répondre à une question, c'est en apporter de nouvelles, et c'est exactement ce que Scott voudrait que nous fassions. Alors au lieu d'y répondre lui-même, il nous met dans le même sac que les héros tourmentés, et il nous laisse impitoyablement dans l'angoisse, comme dans Alien. Et au-delà de ça, de très nombreux éléments, comme les décors, certaines répliques, s'assemblent dans notre inconscient. On a l'impression de comprendre quelque chose, sans pouvoir mettre la main dessus, il y a quelque chose de vaguement familier dans les évènements de la fin c'est-à-dire qu'on sent qu'on est à deux doigts de comprendre, sans jamais en avoir la certitude : et ça c'est fort.
Voilà pour ce fourmillement de questions et réponses : Non, Prometheus ne nous aide presque pas à comprendre ce qui se passe avec Alien, non, ce film n'est pas clair du tout et oui, il nous embrouille énormément. Mais est-ce grave ? Quand on y réfléchi, non. Justement, je serais même tenté de dire, maintenant, avec le recul, que ce parti pris est une des forces du film. Et après tout, la force d'un film culte ne réside t-elle pas dans cette capacité à alimenter diverses théories provoquant de nouvelles lectures et nécessitant de nombreux visionnages, pour capter le plus d'indices possibles ?

Outre ces considérations, force est de constater que ce film est d'une énorme beauté. J'ai très peu d'expérience dans le cinéma 3D, je crois que je n'ai vu qu'Avatar et Harry Potter en relief. Pour ces deux derniers films, surtout pour le premier, j'avais été plus que déçu par ce procédé qui me semblait plus apte à me soutirer de l'argent qu'à m'en foutre plein les mirettes. Scott emploie le 3D à bon escient, et plusieurs fois dans le film je me suis dit qu'il avait conçu certaines scènes en prenant en compte la 3D. Le rêve de Shaw, par exemple. Sublime. Les louveteaux du pauvre hipster tatoué qui parcourent la grotte des Ingénieurs en projetant une lumière rouge. Magnifique. Mais surtout cette course hallucinante des Ingénieurs, qui semble être un enregistrement vidéo de ce qui s'est passé. Là on accède à une esthétique supérieure, à quelque chose qui fout les frissons, pendant longtemps. Même à côté de cette scène, les moments dans l'espace paraissent un peu palot. Mais le plus beau reste cette scène avec le robot David dans la salle de commandement du vaisseau des Ingénieurs. Des étoiles, de partout, qui volent, puis la terre qui apparait. D'une beauté spectaculaire.
Hormis ces prouesses techniques, on retiendra les magnifiques paysages d'Islande, magistralement mis en valeur. Alors oui, on s'en prend plein la vue, et cette fois la 3D est très bien exploitée même si elle a encore du chemin à faire avant de devenir réellement et légitimement incontournable.
Pour rester sur le plan esthétique, on retrouve avec joie les plans d'Alien dans le vaisseau spatial, ces plans claustrophobes qui font monter peu à peu la pression, auxquels s'ajoutent les plans dans la grotte, quasiment insoutenables. On se croit, tout à coup, dans un film d'horreur, face à un cauchemar absolument terrible dont on ignore s'il pourra y avoir des survivants.

Côté acteurs et personnages, rien à redire. Rapace, Theron et Fassbender sont très bien, mais je regrette un peu le côté superficiel qu'ils prennent au fur et à mesure que le film avance : les thématiques, lancées, semblent se dégonfler trente minutes avant la fin. Surtout pour Fassbender et son personnage David. J'adore ce personnage. Ses questionnements, sur son identité, sur son aspect robot qui trouvent un écho absolument génial dans la quête du créateur des humains. Mais je déplore le fait que ce ne soit pas assez exploité.
Ce qui m'entraine vers le défaut principal du film : sa longueur. Au regard des thématiques ambitieuses, ce film est largement trop court. Après une heure trente d'angoisse, qui peu à peu, s'installe, se déclare, c'est l'explosion. Tout devient incompréhensible et relativement incohérent. Shaw accouche ? A bon ? Toute seule ? Elle accède à l'endroit le plus surveillé du vaisseau et... personne ne vient l'empêcher d'accoucher ? Pourquoi pas ? Oh et elle se casse et trouve tout le monde ? Personne ne s'étonne ? Ah d'accord. Je trouve la dernière demi-heure bâclée, comme si on avait voulu réduire la longueur du film en tailladant généreusement dans cette partie du film, en coupant de nombreuses scènes. Tout à coup, sans que l'on sache pourquoi les personnages s'affolent et prennent soudainement conscience de leur pétrin. Oui, d'accord, il était temps. Mais je trouve cette prise de conscience trop soudaine, pas assez exploitée, pas assez crédible. Il y a un réel problème de crédibilité dans cette dernière demi-heure, traitée trop rapidement. Après une heure trente d'efforts pour faire (brillamment !) monter l'angoisse, j'ai l'impression que tout est chapeauté. Et ça ne me plait pas du tout, car Scott aurait fait un véritable chef d'œuvre s'il avait fini le film d'une manière plus cohérente et crédible, en prenant quarante cinq minutes voire une heure en plus. Et ça c'est extrêmement dommage.

Alors au lieu de révolutionner le cinéma, Scott nous réalise un très bon film qui pêche cependant largement par sa fin, mais qui devrait, j'espère, être rétrospectivement rattrapé par la suite. Car finalement que sait-on des aliens ? Des œufs qui ont remplacé les vases dans le premier opus d'Alien ? Et cet Ingénieur accroché à son siège dans ce film-là, où est-il ? Ca ne peut pas être celui de Prometheus, dont la mort provoquerait une incohérence totale si c'était bel et bien le même. Ces questions laissent présager l'intrigue de Prometheus 2 (Epiméthée ?) qui s'annonce prometteur. Sinon, la déception sera de mise et ma première impression se révèlera vraie : l'amour de l'argent, et non l'amour du cinéma aura motivé le cinéaste à mettre en route cet immense projet. Mais j'ose encore y douter.
Arcadien
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le 31 mai 2012

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