Alfred Hitchcock, et on ne le répétera jamais assez, est l'un des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma. Non seulement ses polars ont changés a jamais le genre en prouvant que non, le polars ne sont pas que des films de série B ou Z sans intérêt, mais il innova dans l'horreur et inventa un sous-genre de l'épouvante : le slasher. Au mieux de faire une définition, révisons les classiques.
Le premier slasher moderne est en réalité sorti en 1974, sous le nom de Black Christmas, mais c'est quatre ans plus tard que sort le film phare du genre : Halloween. Ensuite, le slasher est surtout ridiculisé avec la saga Vendredi 13, mais Wes Craven le réactualise avec Scream, ou auparavant avec Les Griffes de la Nuit.
Mais Psychose n'est pas juste le premier slasher, pre-Black Christmas, mais un chef-d'œuvre révolutionnaire. Alfred Hitchcock ne fait pas que inventer un genre, il aborde la folie mentale dans un film produit par une des majors, Universal. En début des années 60, parler de schizophrénie dans un film produit par un gros studio, sans filtre, c'est quand même assez osé. Des années plus tard, on aura le droit à Taxi Driver, Vol au dessus d'un nid de coucou, et même encore plus tard Shining.
Mais là nous sommes en 1960 et Hitchcock sort des rails pour nous faire un film en noir et blanc. Pourquoi en noir et blanc ? Après tout, Sueurs Froides et d'autres étaient en couleur, alors pourquoi en noir et blanc ? D'après moi, il y a deux raisons : l'intérêt artistique, le sinistre motel, et puis le réalisme. En regardant la scène de la douche, on est pris par la précision de Hitchcock : tout d'abord les coups de couteaux d'un point de vue subjectif (avant Halloween), le contre-champ de l'ombre meurtrière, Marion Crane tombe, le rideau de douche se déchire, la caméra descend le long du corps de Marion suivant le sang, le fameux plan du sang qui coule dans l'évier intervient, suivi d'un fondu enchaîné. Nous sommes de retour en gros plan sur l'œil de Marion, qui regarde l'argent volé. Une tel précision est incroyable. Un réalisateur lambda aurait filmé en un seul plan l'ombre poignardant Marion. En regardant cette scène on est donc surpris, en admiration, mais aussi un peu rieur. Car Psychose n'a pas veillie dans ses thèmes et son histoire, mais les coups de couteaux semblent comme même artificielles. Imaginez donc le film en couleurs !
"We are all mad sometimes." Les personnages sont tous atteints de psychoses, plus ou moins. Mais nous suivons principalement Marion Crane, qui vole l'argent du client de son patron et est atteint de remords tout au long du film, de paranoïa, s'imaginant les conversations des autres, et Norman Bates. En lisant cette critique, j'estime que vous avez déjà vu Psychose. Si non, je vous invite à le découvrir immédiatement et à abandonner cette critique. Norman Bates est l'emblème de la folie au cinéma. Les fous les plus dangereux sont ceux qui n'en ont pas consciences. Sa mère étant assassiné par lui-même après la découverte d'un amant, Bates a besoin de couvrir le manque et de faire disparaitre le péché. Il vole donc le cadavre pour le conserver, et devient schizophrène. Il parle pour sa mère, et pire, se punit lui-même. Bates est un voyeur, et Hitchcock nous propulse dans le même rang, comme dans Fenêtre sur Cour. Nous assistons à Bates observant Marion qui se déshabille et conservons donc son secret en nous, nous sommes complices, mais forcés à rester uniquement spectateurs tel Alex dans Orange Mécanique. Pire, nous devenons les acteurs lors de l'ouverture, quand la caméra rentre dans cet appartement, et que le spectateur observe cette femme en soutien-gorge et cet homme torse-nu. Norman Bates et le spectateur ne font qu'un. Mais à la différence du spectateur, Norman Bates se punit lui-même. Lorsqu'il se sent attiré par une femme, Bates se croit pervers et pense abandonner sa mère, comme elle avant sa mort. Il se punit donc, se déguise en sa mère, et tue, jalouse. On obtient donc l'image la plus effrayante du film : Bates déguisé en vieille femme, couteau à la main.
Hitchcock ne voulait pas à l'origine de la scène de l'explication, mais le studio insista et il faut dire que cela ne fait que renforcer le sourire final.
Hitchcock est le maître du suspense, Psychose ne fait pas figure d'exception. Ceux qui diront que le film ne fait pas ou plus peur ont tort. Le film n'est pas gore, pas brutal, pas un coup de poing, mais un gigantesque crescendo à travers la folie, jusqu'à ce sourire final. Moi qui connaissait l'histoire avant de l'avoir vu, je ne peux que regretter de ne pas avoir eu une réelle découverte.
Psychose est un voyage au bout de la folie, un très bon.

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le 15 sept. 2019

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