Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? par Mad Dog

Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "un réalisateur = un film."

Scénario :
Les soeurs Hudson ont chacune connue leur heure de gloire : la première sous le nom de "Baby Jane" lorsqu'elle avait 8 ans, l'autre sous le nom de Blanche Hudson dans les années 30. Dans les années 60, celle-ci sont des reliques du Hollywood passé : Jane est alcoolique et s'occupe de Blanche, en fauteuil roulant au premier étage de la maison.

Lorsque Blanche décide de vendre la maison et d'envoyer sa cinglée de soeur à l'hopital psychiatrique, Jane le prend très mal et commence à devenir de plus en plus méchante. Commence alors un festival de vacheries en tout genre qui vont alimenter sa folie.

En tant que sujet d'étude :

"Whatever happened to Baby Jane" est le film que j'ai pris afin d'étudier le cinéma de Robert Aldritch un réalisateur dont je n'avais vu aucun film.

En lisant sa fiche wikipédia, j'apprend que c'est un cinéaste qui a tourné aussi bien des westerns que des drames, mais qui était surtout passionné par le film noir. C'est le premier a avoir donné une tonalité noire au western (Vera Cruz) et à mettre en scène des personnages moralement douteux.
On retrouve tout cela dans Whatever Happened to Baby Jane où le film part au départ sur une espèce de comédie sur deux actrices hollywoodiennes à la retraite et tourne petit à petit au thriller psychologique noir et stressant. (Tout en continuant à égrener des éléments de comédie par-ci par-là.) Il y a des plans vraiment bien foutus, jouant parfois avec l'étroitesse du lieu. (Un plan de Blanche au téléphone, Jane apparaissant au fond du couloir est impeccable alors que tout con.)

On sent aussi que le film est sorti 2 ans après Psychose : l'utilisation de l'escalier, les regards de tueurs et tout le jeu sur le clair / obscur font penser au classique d'Hitchcock. D'ailleurs, il y a beaucoup d'Hitchcock chez Aldritch qui possède le même sens du suspens et du timing. C'est même parfois un peu agaçant tant le film utilise parfois trop le même ressort, joue avec nos nerfs sur le "on pense que Blanche va être sauvé" et le "et merde, en fait non" sans doute une ou deux fois de trop.

Le film est intéressant sur bien des points, notamment le côté "film hollywoodien qui est lui même une satire d'Hollywood" au début du film : que ce soit la starification des jeunes enfants, les jeunes actrices qui deviennent vite alcooliques, les décisions internes au studio tinté de mysoginie et surtout les querelles d'égo que cela engendre.

L'idée de prendre deux vrais stars de l'époque hollywoodiennes qui ne pouvaient pas se voir en dehors des plateaux fut une riche idée : d'une part ça permettait à Bette Davis et Joan Crawford, à l'époque abonnées aux séries B, d'avoir des roles intéressant passées la cinquantaine, de faire une sorte d'introspection ironique sur leur carrière mais en plus les deux ne pouvaient pas se piffrer. Comme souvent avec ce genre de films, l'ironie veux que l'alcoolique joue les personnes sobre et la sobre joue les alcooliques. Les anecdotes sur le film sont remplies de vacheries qu'elles se sont faites l'une et l'autre durant le tournage : Davis ne retenant pas ses coups et Crawford faisant exprès d'être la plus lourd possible à porter. Au final, cette rivalité fonctionne à mort à l'écran et donne encore plus d'authenticité à un film réalisé en un mois avec un budget limité.

Mais des deux, c'est quand même Bette Davis qui crève l'écran, notamment parce que les méchants sont plus charismatique que les gentils. Elle sait très bien joué à la fois la matrone peau de vache, la pauvre vieille dame, la manipulatrice et la folle qui est retombé en enfance. C'est elle même qui a par exemple suggéré qu'elle se foute des tonnes de maquillage tout les matins au lieu de se nettoyer le visage. A vrai dire sa prestation va tellement marqué qu'elle engendrera même un genre : le psycho biddy, un film avec des vieilles dames flippantes. Donnant à Bette Davis une nouvelle carrière.

Mon avis personnel :

Purée, je m'attendais pas à celle là. Déjà : je pensais que le film allait être une comédie alors que passé son prologue, il part très vite vers du thriller horrifique, avec des pointes de comédies noires.

On est resté accroché sur les deux heures de film, même si celui-ci offre, à mon goût, une ou deux péripéties de trop. Il faut dire que j'ai adoré le personnage de Jane Hudson qui, déjà assez peu reluisante au début du film, progresse cran après cran dans une sorte de folie. J'avoue m'être dit : "ok, je tiens un nouveau méchant préféré dans ma liste." C'est ce genre de méchant qu'on apprécie tout en ayant un peu de pitié pour lui. Ma copine, qui n'attendait, elle non plus, rien de ce film, a poussé un ou deux "purée, qu'est-ce qu'elle joue bien" durant le visionnage.

A vrai dire, le film est tellement bien qu'on en oublierais presque, qu'en plus, il parle de la maltraitance des personnes handicapés, un sujet très peu abordé et pourtant existant. (Et tout sauf fun.) Même si au fond, il s'agit plutôt d'une revanche entre deux soeurs qu'un véritable film sur le handicap, il ne s'agit que de mettre le personnage de Blanche dans une position où elle est prisonnière. (Un peu comme le personnage principal de Fenêtre sur Cour.)

En tout cas que je n'écouterais plus jamais "Bette Davis Eyes" de la même manière.