Aux antipodes d'un Rocky attachant et bienveillant, Scorsese dépeint dans Raging Bull un Jake la Motta haïssable, en se basant sur les faits relatés dans l'ouvrage du boxeur. Le sport servira ici plutôt de toile de fond, illustrant à merveille la violence inhérente au personnage de Jake la Motta.


Car Raging Bull est assez violent. Dans ses images, bien sûr, avec ses personnages qui vont jusqu'à se frapper réellement ainsi que ses balafres causées par des combats interminables, mais surtout dans les liens sociaux qu'il expose. Jake la Motta est présenté comme une vraie brute, qui pense avec ses poings, qu'il s'agisse de se battre, de punir sa femme ou même de réparer sa télé.


Mais la violence n'est pas que physique. Jake la Motta est également agressif dans les propos qu'il choisit, à coups d'insultes gratuites ou de menaces de mort, pour un comportement en société globalement inacceptable. Un comportement si intolérable que Jake la Motta en personne s'en étonne, mais qui témoignerait, derrière une dure carapace, d'une subtile fragilité que Scorsese a parfaitement su saisir.


Si la jalousie paranoïaque de Jake la Motta le pousse à dépasser les limites du supportable, elle montre surtout sa crainte de se retrouver seul, en témoigne la scène où sa femme prépare ses bagages, ou encore celle où, en prison, il s'en prend directement à lui-même dans ses propos, donnant l'impression d'un personnage qui se hait lui-même. Il n'y a que de rares moments où on le voit sans sa carapace de gros dur, qui apparaît alors comme une façade.


Scorsese suit la formule gagnante de l'ascension/chute, qui se prête particulièrement à la vie de la Motta, et qui a déjà fait ses preuves avec son acteur fétiche dans Taxi Driver. L'ajout de Joe Pesci, révélé par ce film, est un vrai plus, et l'acteur sera si marquant qu'il réapparaîtra aux côtés de De Niro dans d'autres films de Scorsese au cadre tout aussi violent : Les Affranchis, ou encore Casino.


Je ne trouve pas Raging Bull si facile à aborder : le personnage est assez difficile à cerner, impossible à apprécier, et tout le film tourne autour de son évolution professionnelle et sociale. Pour moi, Scorsese cherche surtout à nous montrer un personnage plus délicat qu'en apparence, comme un insecte fragile sous son squelette externe, ou un De Niro enrobé de chocolat mais au cœur en caramel fondant... Je m'égare.

Monsieur_Cintre
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le 15 mars 2021

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