De nombreux sociologues se sont intéressés à la question de savoir pourquoi lorsque l'on interroge des témoins, leurs versions sont si souvent contradictoires et si peu précises. C'est cette même question qui m'a amenée à regarder ce Rashomon.
Et je dois dire que je suis plutôt déçu à ce niveau: la problématique n'est pas du tout là-même, quoique voisine. La question que se pose Rashomon, c'est celle de l'orgueil et de la malhonnêteté, plutôt que celle de la perception. Pour mettre en scène ses enjeux, Rashomon utilise un procédé consistant à montrer, sous forme de flashbacks, le témoignage de chacun des protagonistes et témoins d'un crime sordide.
Je dirais que ce procédé est à la fois la force et la faiblesse du film. Force, parce que le film fait preuve d'une certaine subtilité au niveau de sa mise en scène: je pense notamment au fait que lors du tribunal, la caméra soit positionnée à l'endroit où se trouve normalement le juge et qu'on ne l'entende pas parler. L'idée est d'inviter le spectateur à avoir un regard critique, à juger donc, ce qu'il voit. C'est un vrai film "participatif", où on cherche continuellement à démêler le vrai du faux.
Faiblesse, parce que le film ne vas pas assez loin avec ce procédé. L'une des choses que je préfère dans le cinéma, c'est quand la réalisation et l'esthétique est "biaisée" par le point de vue d'un personnage. Or ici, si la direction des acteurs et les dialogues changent, la réa pas vraiment.
De plus ce procédé donne lieu à des longueurs, auxquelles on pardonne car elles sont certes difficiles à éviter quand on nous montre quatre fois la même scène.
En dehors de ce procédé, le film a également d'autres atouts: tout d'abord, Toshiro Mifune est incroyable. On a du mal à se représenter comment , en surjouant autant (je pense à ses crises de rires hystériques) il peut être aussi crédible.
Ensuite, les témoins qui racontent le procès à ce passant sous le porche sont des personnages intéressants: on comprend bien leur pensée, leur sensibilité, leur caractère.
Mais on pourrait également reprocher au film d'être peu subtil pour ce qui est de son message, qui est assez clairement énoncé à plusieurs reprises, et son utilisation parfois redondante de la musique qui semble assez caractéristique de cette époque du cinéma.
Globalement, le film reste tout à fait divertissant et je vous invite à le découvrir si le procédé vous paraît intéressant.