Garden State est un film mignon. Et c'est tout. Enfin non, c'est pas tout, mais j'aurais préféré que ça le soit. Parce que là je suis bien embarrassé. Ça me fait mal de dire ça, mais il m'a manqué quelque chose. Ça me fait mal parce que j'avais vraiment de la sympathie pour les personnages du film. J'étais investi dans l'histoire. Mais à la fin, après les crédits, j'ai coupé le film et je suis retourné à ma vie, en n'y pensant déjà plus cinq minutes après.


Pourquoi ? Je vais essayer de répondre à ça. Rentrons dans le vif du sujet.
La réalisation est assez classique, mais elle a ses moments. On a quelques vraies bonnes idées ça et là, notamment avec des transitions sonores bien pensées entre les scènes, et également de très jolies images assez esthétisées, comme la fameuse séquence représentée sur l'affiche. Parfois ce genre d'images font mouche, parfois elle me laisse indifférent et me font me dire que Zach Braff se la joue un peu, comme la fameuse chemise. D'accord, c'est joli, et ça peut-être intéressant pour symboliser le côté un peu perdu dans la masse du personnage, mais quand tout le monde ou presque le reconnaît dans la rue, ça fait un peu dissonant.


Parlons en des personnages justement. Le côté névrosé et apathique Andrew, notre personnage principal, le rend de prime abord assez désagréable, mais au-delà de cette coquille dépressive, on perçoit très vite un jeune homme sympathique et intelligent. Le personnage interprété par Natalie Portman, Sam, est quand à lui mon préféré : ses répliques sont drôles, un peu strange, mais en même temps, on voit une certaine profondeur dans son interprétation. Des fragilités qui la rendent attachantes. En même temps, elle m'a un peu perturbé parce qu'elle porte en elle les clichés du genre, de ces comédies dramatiques un peu méta. Elle est cette frêle et jolie jeune femme exubérante et étrange qui forme un couple avec le personnage masculin principal névrosé qu'elle parvient à sortir de sa torpeur progressivement pour lui redonner le goût de la vie. Ah, et est-ce que j'a mentionné qu'elle le rencontre dans un lieu public au cours d'une situation un peu embarrassante ? Ceux qui suivent verront à quel film je pense.
Outre ses deux personnages, on note la présence d'une galerie de personnages atypiques et juste un petit peu décalés : le chevalier de fast-food, le père psychiatre, l'adulte africain adopté, la mère de Sam, Marc, le pote fossoyeur, et j'en oublie plein d'autres. On aurait aimé passer plus de temps avec eux, car ce qu'on nous laisse entrevoir de qui ils sont est assez fascinant : on aperçoit des conflits, des motivations secrètes ; des thèmes se profilent à travers eux et avec eux leurs lots de problématiques. Mais le film ne les explore pas plus que ça. C'est peut-être une bonne chose, parce qu'il y en a aussi qui sont très mauvais, comme le cliché sur pattes qu'est ce jeune millionnaire dont je refuse de me rappeler le nom, mais aussi et surtout parce que ça permet de créer une réalité qui paraît à la fois incroyablement ordinaire et bizarrement décalée. C'est d'ailleurs je crois l'uns des messages du film, que le quotidien réserve plus de surprise que ce qu'on peut penser, que l'on est tous un peu bizarres.
Mais le problème du film trouve aussi son origine dans cette thématique sous-jacente. Le côté ordinaire, instant de vie, fait qu'il n'y a pas vraiment d'histoire. ça aurait pu suffire de juste avoir une histoire d'amour avec tous ces caractères singuliers autour, mais le film décide de se lancer dans une sorte de petite aventure insolite et d'abord intrigante, mais dont l'issue est assez décevante. Décevante, parce que cette conclusion, même si elle apporte des éclaircissements sur la personnalité du taciturne ami fossoyeur, arrive trop tôt, au terme d'une suite de péripéties qui paraissent un petit peu forcées. De plus, toute cette aventure aboutie à la résolution du conflit initial du film, la mort de la mère et la confrontation avec le père. Seulement, cet axe narratif est assez mal traité : quand Zach dit à son père qu'il lui parlera plus tard, on croit qu'il est au moins à moitié honnête et ne cherchera pas à fuir.
Donc il l'aurait fait éventuellement et tout le passage du médaillon n'aurait alors servi à rien. De plus, le film insiste plus sur l'aspect fermé sur lui même et apathique du personnage, et moins sur les conflits internes liés à ses parents. Je sais bien que ces deux aspects vont ensemble, mais le film ne l'explique pas assez bien et ne le montre que peu. Ainsi, on a pas l'impression que la résolution du conflit avec son père amène la résolution de ses problèmes sociaux. Le fait qu'il soit dans une relation très intime et profonde avec Natalie Portman ne signifie pas non plus qu'il a résolu ses problèmes, puisque jusqu'à la toute fin, assez anti-climactique d'ailleurs, il ne parvient pas à sortir de son côté renfermé.
Au final, reste un petit film un peu confus avec une ambiance singulière, mélancolique et décalée, sur un jeune homme qui retourne dans sa ville natale pour la première fois. Si l'idée vous plaît, allez le voir, mais j'ai personnellement du mal à lui pardonner ses maladresses.

Camarade_Fido
6
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le 10 juil. 2017

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Camarade_Fido

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