Avec Ready Player One, Steven Spielberg rend hommage à la culture qui l'a fasciné et qu'il a contribué à façonner, la "Pop Culture" des années 70-80, autrement dit le cinéma de genre, dans lequel il a connu ses plus grands succès, et la toute nouvelle culture du jeu vidéo, alors à ses balbutiements. Un regard dans le rétro d'un phénomène qui s'est transformé au cours des 20 dernières années, passant de marginal (les films de genre qui n'étaient pas reconnus par l'establishment, et les jeux vidéo destinés aux geeks à lunettes et cheveux gras) à phénomène de masse, grâce à des figures comme Apple et Mark Zuckerberg, où le Nerd a pris sa revanche en prenant le pouvoir.


Un énorme buzz pour quoi, au final? Une demi déception. Déception car je m'attendais, si ce n'est à un grand film, tout du moins à un bon film. Mais à moitié finalement car je ne suis pas un grand fan de Spielberg, bien qu'il ait marqué mon enfance, comme la plupart des plus de 30 ans. Il y a bien souvent dans ses œuvres des facilités d'écriture et une naïveté (certains considèrent cela comme une forme d'innocence, celle d'un homme ayant gardé son âme d'enfant, sachant s'adresser à un jeune public... pour moi c'est bien souvent du sentimentalisme facile) qui me font sortir du film. Des défauts que je retrouve ici, et qui s'ajoutent à des choix artistiques plutôt discutables.


Pourquoi toutes ces références à la Pop Culture? Cela vient sans doute illustrer un monde qui n'avance plus, passéiste, incapable de créer du neuf (et s'imaginer que dans 30 ans les références restent celles des 80's, c'est finalement un peu triste), mais cela fonctionne surtout comme un gadget ludique pour le spectateur qui saura reconnaître tel personnage ou détail, flattant notre culture et notre mémoire. J'avoue que ça m'a fait sourire parfois, mais d'un point de vue dramatique, tout ce déballage ne sert à rien. Pire, il caricature la Pop Culture.


C'est le sentiment que j'ai ressenti en sortant de la salle: d’œuvres cultes on ne retient que les goodies les plus cools, une Delorean par ci, une moto d'Akira par là, alors que bien souvent ces films, qui se sont imposés dans la culture de masse, sont le fruit de gens talentueux et passionnés qui ont produit des œuvres originales et novatrices, non réductibles aux aspects les plus connus du grand public. On nous déballe donc une sorte de grand fourre tout où il y a à manger pour tout le monde, le monde merveilleux des geeks qui sont, ces dernières années, devenu cools, comme pour affirmer que l'on partage un socle commun: les mêmes doudous.


Bien qu'il invoque les figures du passé, Spielberg nous parle du futur. Un avenir où, suite à divers incidents dans l'histoire, l'humanité semble globalement désespérée et se réfugie dans un monde virtuel. Bon, que l'humanité stagne parce qu'elle passe son temps à jouer à un jeu vidéo, je trouve le concept bancal. Il ne nous parle pas des dangers de la technologie (voir Black Mirror), mais se limite au jeu vidéo, soit. Mais le discours - qui est résumé en une phrase à la fin du film - est une sorte de consensus mou: trop jouer c'est pas bien. Il eut été plus courageux que Waid Watts en finisse avec l'Oasis, ce qui aurait fait accomplir un vrai cheminement au personnage, passant d'esclave du jeu à celui de libérateur, estimant ce monde virtuel comme un frein au développement de l'humanité et ramenant cette dernière à la réalité afin qu'elle se reprenne en main. Mais non, il passe de geek pauvre et orphelin à geek riche et amoureux, décidant simplement qu'il faut jouer un peu moins. Parce que la vraie vie c'est mieux en vrai. 2 jours par semaine. Bravo.


Il est délicat de critiquer le jeu vidéo et d'en faire le coupable d'une société en décadence, ce discours serait erroné et simpliste, mais cela pourrait être présenté sous la forme d'une parabole d'un monde asservi par les nouvelles technologies, par exemple. Spielberg ne tranche pas, ne propose pas d'alternative, comme pour ne pas s'attirer les foudres du public gamer, accouchant d'une morale sans impact, finissant de caresser son audience dans le sens du poil.


Le film réussi à faire voyager le spectateur grâce à des scènes d'action de bonne facture et s'enchaînant très vite, mais les personnages sont introduits à la va-vite, le méchant est une caricature, et les enjeux, de par leur dénouement, tombent à plat. Pas la claque annoncée donc, mais une simple tape paternaliste sur l'épaule.

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le 7 avr. 2018

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McReady

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