Un film n'a pas toujours besoin de servir un propos louable pour être une œuvre puissante et magnifique. Dans l'effet, Requiem Pour Un Massacre entre tout à fait dans cette case. Le film se veut un témoignage des massacres perpétrés par les allemands aux villages biélorusses lors de la Seconde Guerre Mondiale, un témoignage qui se retrouve vite parasité par les idées communistes avec un groupe de soldats unis, servant les plus belles valeurs du monde comme la camaraderie et le partage.


En sommes, Requiem Pour Un Massacre se perd dans son propos car trop visé sur les valeurs communistes et son manichéisme, j'en suis tout à fait conscient.


Mais ce film n'en reste pas moins l'une des expériences cinématographiques les plus folles auquel j'ai pu assister. Il entre dans cette liste très fermée de ces films de guerre dont la folie a réussi à me rendre inerte à la fin du visionnage. En fait, à part Apocalypse Now et ce Requiem Pour Un Massacre, aucun film de guerre ne m'a fait ressentir ça.


Et pour être tout à fait honnête, j'ai trouvé la première heure et demi assez faiblarde. Pas mauvaise, certaines scènes comme celle où les deux enfants évitent des bombardements dans la forêt, ou la découverte de cadavres dans le village du personnage principal sont tout bonnement sensationnelles. Mais le film a clairement un soucis de rythme. Comme si l'incroyable violence physique et psychologique que dépeint le film à travers le personnage de Fliora se voyait constamment freinée par des scènes parfois trop longues, voir carrément dispensables (quand il se traîne dans la boue, c'est juste interminable).


En bref, j'étais bien parti pour lui filer un jolie 7/10 et on en parle plus. Ce que je n'ai pas dis cependant, c'est la raison pour laquelle j'ai regardé ce film. Pendant un cours en licence, un de mes profs nous avait montré la scène finale, atroce, terrifiante, puissante. Si puissante que malgré l'horrible boule au ventre qui ne cessait de s’accroître en moi au cours de l'extrait, je m'étais décidé à regarder ce film. Et pendant mon visionnage, je me disais que finalement, ce n'était pas « si » horrible que ça (bien que dans l'ensemble, Requiem Pour Un Massacre reste un film violent et cru).


Or, est arrivé quelque chose de surprenant et que je n'avais tout simplement pas vu arriver. C'est une montée en puissance aussi inattendue que tout bonnement spectaculaire pendant la dernière demi-heure du film. J'en suis même venu à me demander si toute la dernière partie du film n'était pas la pire chose que j'avais vu de ma vie. Tant par le cynisme et l'horrible comportement des allemands, que par ce visage décomposé de Fliora, témoin d'un massacre des plus traumatisants. Si traumatisant que son regard, fixant la caméra (ou fixant le vide, c'en est déstabilisant) renvoie constamment à cette image violente d'une Église en feu avec en son sein, des gens hurlant la mort, portant dans leurs bras décrépis leurs nourrissons. De cette image horrible de cette fille avançant le sang coulant le long de ses jambes, nous laissant imaginer le viol physique et moral dont elle a été victime. Bref, du regard de ce jeune homme, j'y ai vu toute la folie humaine et la détestable nature de notre race, et ça m'a fait chialer.


Sans déconner, les larmes sont arrivées comme ça, sans prévenir. Voir ce jeune garçon qui au début, avait encore son visage juvénile, mais qui ici, était marqué par la souffrance et le traumatisme, ça m'a juste détruit. Comme cet incroyable moment où celui-ci brandit son fusil qu'il n'avait alors jamais utilisé, flinguant le portrait d'Adolf Hitler avec toute la rage du monde, et c'est je pense, un acte que bien des gens auraient désirer commettre.
A ce moment-là, une idée m'avait frappé, rarement de ma vie, je n'avais vu une performance d'acteur aussi grandiose que celle d' Aleksey Kravchenko, d'autant plus venant d'un enfant. Au fil du récit, on a l'impression que l'humanité quitte peu à peu son regard pour ne laisser place qu'au néant désarmant engendré par la guerre.


En tout cas, beaucoup d'éléments m'ont mené à pleurer comme un orphelin devant la tombe de ses parents, tellement le film avait réussi à me foutre une claque sévère en pleine poire dans sa demi-heure finale. En prenant un peu de recul, je me rend bien compte de défauts du film, il en a, c'est clair et net, et je les ai cité. Mais il est rare de ressentir de telles choses au cinéma, et c'est un tel privilège même si l'expérience est douloureuse, que Requiem Pour Un Massacre m'apparaît alors comme un chef d’œuvre. Car on le sait bien, un chef d’œuvre n'est pas une œuvre parfaite, mais une œuvre qui a réussi à nous faire ressentir des émotions fortes, ce qui est totalement le cas de ce Requiem Pour Un Massacre.

James-Betaman

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