La guerre est à ta porte, petit.

Le film choc de Klimov, brutal et âpre à n'en pas douter, raconte les tribulations d'un jeune partisan biélorusse qui va découvrir les horreurs d'une lutte acharnée, le summum de la guerre. J'en viens à me poser une question, peut-on prendre du plaisir devant un long métrage relatant, de manière réaliste, la guerre et tous ses dessous ? Cette problématique d'ordre moral a été analysée par les cinéastes de toutes époques, ceux-ci mêmes qui ont offert des spectacles attendus et qui ont réveillé en nous des instincts primaires, mais aussi un dégoût ou un mal être à voir le déchaînement d'humains, dont leur bestialité n'a d'égale que leur folie.

Ce que je peux affirmer, c'est que Requiem pour un massacre (Idi i smotri) ne laisse aucunement indifférent, quoi qu'on dise ou pense sur le sujet abordé. C'est cru, et c'est d'une puissance viscérale qu'il serait impossible de mesurer. La mâchoire décrochée et le ventre ballonné, on assiste à des atrocités sans bornes. Le cinéaste soviétique n'oublie pas de nous remettre devant le fait accompli en alternant des instants de bonheur véritable et des drames qui ne lâchent jamais longtemps la gorge des personnages pour les laisser sans voix.

La violence des événements mis en scène n'est pas constamment abrupte, le réalisateur opère une technique astucieuse pour régler sa caméra, il colle le spectateur au plus près du visage de Flyora et de son regard ébahi. Cela amène différentes visions des choses, notamment celle par laquelle on observe hors-champ, et c'est ainsi que les mimiques changeantes et cinglantes du jeune bonhomme transmettent son angoisse, ses peines et ses souffrances les plus profondes. Il est l'oeil témoin de ces tourments poignants qui immortalisent les blessures de sa patrie.

Les films de guerre sont difficiles à faire, pour la plupart ils sont caricaturaux et grotesques, peu d'entre eux sortent des sentiers battus en se conformant à la conscience joviale, ou en étant rarement démonstratif sans user d'exubération. La structure narrative, maniée d'une main de maître par son auteur, fait émaner le sentiment de désespoir, ce contraste entre le paradis et l'enfer. Un traitement vraisemblable des exactions nazies sur un territoire ennemi. Notons tout de même que les acteurs livrent une prestation exemplaire, le jeune Aleksei Kravchenko incarne à merveille son personnage, le faisant passer de l'insouciance auprès des siens à l'inévitable austérité de la seconde guerre mondiale.

Qu'on adhère ou non, en l'état, Requiem pour un massacre est un cauchemar abyssal et bouleversant qui conjugue les prouesses sonores, visuelles et sensitives, une expérience éprouvante qui m'a frappé à la figure. Une oeuvre de mémoire déroutante qui restera tout autant dans la mienne que les cris des victimes.