Requiem pour un massacre fait partie de ces films qu'on appelle « coup de poing » parce-qu'il présente une violence à nue, sans esthétisation, explicite, sans détour. Ce film présente aussi l'intérêt de parler d'un sujet souvent oublié dans le bilan de la Seconde Guerre Mondiale dans nos pays de l'Ouest : les ravages de la guerre et les massacres sur le front de l'Est (on estime à plus de dix millions, le nombre de morts civiles en URSS durant la guerre, soit bien plus que les victimes des camps de concentration). Ce film à la fois réaliste et dur sur le plan de la mise en scène de la violence commence par une présentation d'une campagne de la Biélorussie occupée de 1943. De sa population rurale, pauvre et épuisée. De ses jeunes, cherchant à rentrer dans les milices se formant dans tout les coins (« les partisans »), allant jusqu'à aller chercher des armes sur des dépouilles fraîchement tuées. C'est là que nous rencontrons Fliora, jeune fils dont le père est au combat et qui va laisser sa mère et ses sœurs pour rejoindre ces partisans. Fliora, jeune recrue qui va être laissé derrière pour garder le camp jusqu'à que celui-ci soit bombardé. Fliora est seul, avec une jeune fille, Glacha, avec qui il va décider de rentrer chez sa mère.

A partir de ce moment, ce film réaliste et intéressant prend fin. A partir de là, commence le massacre. A partir de ce moment, tout les éléments narratifs auront pour seul but de nous servir du massacre jusqu'au dégoût. Il y a une certaine facilité, ici, à tenir le spectateur en lui montrant des atrocités, en le culpabilisant, en mobilisant sa haine du bourreau et sa pitié envers les victimes. En ne laissant rien passer au niveau de l'image choc : morceaux de corps pulvérisés par une bombe, viol, homme brûlé vif mais encore en vie pour que l'on puisse s'y attarder quelques minutes et, bien sûr la mise à mort de centaines de pauvres paysans par le feu. Si l'efficacité du choc est établi, il reste à se demander la raison de cette hyperbolisation outrageante de l'horreur. Quel message le réalisateur veut-il faire passer ? Il y en a t-il un ? Veut-il seulement choquer ? Culpabiliser ? Créer de la haine ? En vers qui ? Les nazis ? Où bien les ennemis de l'URSS ? Il est intéressant de voir à quel point la haîne des allemands montrés envers le communisme est mis en valeur. Tellement que j'ai eu du mal à ne pas faire, ici, le rapprochement avec les films propagandaires d'Eisenstein. Dans le Cuirassé Potemkine, les soldats du tsar tirent sans distinction sur la foule, ici, les soldats allemands, nourri d'une doctrine sur la nécessité de l'extermination des communistes, brûlent tout les paysans qu'ils trouvent. L'utilisation des images d'archives pour en rajouter à l'horreur (on en avait surement pas fait assez jusque-là) est révélatrice car après nous avoir montrer les mêmes scènes continuelles de souffrances, elle nous sert un rembobinage de la Seconde Guerre Mondiale des grandes destructions à la nuit de cristal en nous abreuvant au passage d'un grands nombres de photographies d'Hitler, et se terminant sur une photo d'Hitler bébé. Il est intéressant de voir à quel point un film si vrai dans sa démonstration de l'horreur peut avoir si peu à dire sur les causes de celle-ci. Le fait est, ici, que le seul vrai coupable présenté est Hitler, en faisant abstraction du fait qu'Hitler seul n'aurait jamais pu provoquer un tel événement ; en faisant abstraction des horreurs commises auparavant et dont la Seconde Guerre Mondiale n'est que la continuité (entre la Première Guerre Mondiale, les Pogroms, la colonisation et bien d'autres évènements qui ne manque de violence outrancière et horrifique, il y a de quoi se servir) et, au final, en faisant abstraction de tout ce qui aurait un sens à raconter dans un devoir de mémoire qu'on nous rabache sans cesse, sans jamais lui donner de réel contenu.

Ce film fut donc pour moi un moyen de m'interroger sur l'intérêt de ces films chocs. Je n'y ai pas trouvé grand chose. Une déception qui vient surement du fait qu'ils ne sont que trop rarement relié à une véritable réflexion. Alors quitte à s'intéresser cinématographiquement au désastre de la guerre du côté soviétique, je proposerais plutôt l'Enfance d'Ivan, plus minimaliste et, surtout, beaucoup moins racoleur.
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le 1 févr. 2014

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