Ce qui marque en premier dans « Requiem pour un massacre » (je préfère le titre original traduit en « Come and See » en anglais) c’est sa réalisation et le parti pris de la caméra. Cette dernière, très souvent subjective, plonge le spectateur totalement au cœur de l’histoire et de la tragédie qui s’y déroule. Incarnant tantôt le personnage principal, tantôt ce qu’il voit, l’objectif de Klimov apporte une originalité appréciable au film. « Requiem… » est également jalonné de magnifiques plans où la caméra suit les personnages qui se déplacent (courent, marchent) avec une fluidité déconcertante. Cela m’a fait penser au fameux plan de « Quand passent les cigognes » de Kalatozov lorsque l’héroïne est au milieu de la foule. La caméra devient alors personnage.

Il est clair qu’une telle réalisation ne marquerait pas autant si son sujet n’était pas d’une portée dramatique exemplaire. C’est le cas ici car Klimov dépeint, sans détour, le massacre de milliers de villageois en Biélorussie durant la Seconde Guerre Mondiale, et ce à travers le regard d’un jeune homme désireux de s’engager dans la milice de résistance et qui, petit à petit, va comprendre toute l’ampleur du drame qui l’entoure et dont il fait partie. Ce personnage vieillira de façon fulgurante et prématurée lors des 45 dernières minutes, symbole de la perte totale d’innocence et d’espoir.
Le film est donc très touchant mais sans être larmoyant. Il remue dans les tripes et surtout la conscience sans pour autant tomber dans le pathos. Je pense que c’est en cela aussi qu’il marque et qu’il est, sans doute, l’un des meilleurs films de guerre jamais réalisés.

Cependant, j’ai trouvé qu’il peinait tout de même à trouver son rythme et que certaines longueurs empoissonnaient un peu le tout. De plus, même si je me doute que c’est également une volonté du réalisateur, j’ai trouvé certains fonds sonores totalement énervants à défaut d’être pesants. Il y a en effet tout une partie du film que je n’ai pu pleinement apprécier tant la nappe sonore qui l’entourait était sourde et omniprésente.
J’ai donc trouvé le film bancal avec quelques plans géniaux et une histoire magnifique. Cependant, malgré ces petits défauts qui ne m’ont pas permis de lui mettre une note supérieure, je pense qu’il me marquera à vie tant son histoire et son traitement apportent un nouveau regard sur le film de guerre. Ce n’est pas qu’il est plus noir, ce n’est pas qu’il est plus mélodramatique ou plus dur, il est juste plus réel et plus prenant. Et cela vaut surtout pour la dernière partie du film qui offre une belle leçon de cinéma.
Before-Sunrise

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