Présenté comme "film mineur" mais vrai film de commande, Restless se coule pourtant parfaitement dans l'œuvre du cinéaste de Portland. On peut dire de Gus van Sant qu'il travaille comme un artiste-peintre, artiste prenant ici le sens d'artisan, celui qui fabrique avec ses mains et décide de la forme à donner à ce qu'il construit en fonction de sa finalité. C'est vrai pour Paranoid park dont la destructuration narrative donnait une lecture sensitive au récit. C'est également le cas pour Harvey Milk dont la linéarité s'imposait par le sujet.

Dans Restless, Gus van Sant s'en tient à la simplicité de l'histoire d'amour singulière qu'il nous raconte le plus simplement du monde en accompagnant ses héros avec ce qu'il faut de proximité, de distance et de pudeur. Il faut saluer ici l'humilité d'un cinéaste immense qui s'efface derrière la caméra sans faire les pieds aux murs. Si ses héros jouent avec la mort pour mieux se jouer d'elle (l'accepter, la vivre, la combattre), le réalisateur les filme avec une absolue sincérité et une infinie délicatesse. Trio intime entre Mia Wasikowska, Henry Hopper et Gus van Sant, Restless est aussi une lutte à trois pour profiter de la vie, apprendre, découvrir, s'amuser, aimer.

D'une profonde douceur, baigné des ors de l'automne de Portland et des cheveux de ses héros, Restless refuse tout pathos parce que ses personnages n'en veulent pas. S'ils parlent de la mort c'est pour en détourner la teneur, la contourner, en faire une compagne. Et si le fantôme d'un pilote japonais pointe son nez, ça ne pose pas davantage de problème.

Alors dire que Restless est un film mineur serait insulter un réalisateur qui se fout de savoir si Paranoid park est meilleur qu'Elephant ou My own private Idaho, puisque chacun de ses films s'inscrit dans l'instant de sa création avec une évidence et une justesse que peu de réalisateurs maîtrisent.

Profond et délicat, porté par de jeunes acteurs merveilleux, Restless est un beau film. Et c'est tout.
pierreAfeu
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le 29 juil. 2013

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pierreAfeu

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