La délicate question de la suite...
Certes le premier « Zombieland » était sympa. Mais était-ce au point de vouloir poursuivre l’aventure ?
Franchement j’en doute…


Parce que, justement, je pense que tout l’intérêt de ce premier film en 2009 avait été de saisir une ère de son temps et d’en faire un détournement facile mais salvateur ; efficace car au fond bien équilibré. Dans toute cette bouillie de films / séries / jeux de zombies qu’on se bouffait alors, ça faisait du bien de voir une œuvre venir rompre avec les poncifs et les vacuités habituels.


A la place de larmoiements interminables des pauvres citadins égarés de « Walking Dead », on avait dans « Zombieland » une galerie de personnages insouciants qui abordaient la situation en mode « shit happens ». Ainsi les zombies étaient-ils relégués au second plan au profit de problématiques du quotidien d’autant plus amusantes qu’elles paraissaient bien futiles aux regard de la gravité de la situation. Ouais, y’a pas à dire, « Zombieland » en 2009, c’était frais…


Dix ans plus tard, nous revoilà avec un nouveau « Zombieland ». Alors OK, le casting séduisant est toujours là. La qualité globale de mise en forme est préservée. L’état d’esprit est intact. Sur ces plans là, on ne se moque pas de nous. Mais… Beh… Comment dire… Le problème c’est qu’en fait, ce film, je n’ai déjà vu. C’était il y a dix ans. Et là je suis en train de le revoir mais sans l’effet de rupture qu’il avait su apporter à son époque ; sans la sensation de fraicheur. C’est juste… La même chose.


Alors c’est vrai – je ne vais pas être totalement malhonnête non plus – il y a quand-même un réel effort pour essayer de rester fidèle à l’esprit et aux mécaniques du premier opus tout en s’efforçant d’enrichir la formule. Ainsi conserve-t-on cette logique d’humour de répétition, où chaque petite blague posée sera réutilisée et réinvestie régulièrement, mais toujours dans une logique de décalage par rapport à l’usage précédent. Ici l’élément le plus efficace est indéniablement les références régulières aux règles de Colombus. Ni trop ni trop peu, toujours bref, saupoudrées superficiellement au dessus d’un point d’intérêt autre que la blague pour la blague. De même, cette suite s’efforce de gérer au mieux le capital sympathie de ses personnages. On sent l’envie de l’exploiter sans le gâcher. Ainsi on essaye de faire évoluer la trajectoire et les relations de chacun, tout en rajoutant du sang neuf pour revivifier le tout. Sur le papier – je ne dis pas – ce n’est pas fait par-dessus la jambe. C’est au moins respectueux du spectateur en garantissant le minimum syndical.


Seulement voilà, une suite de « Bienvenue à Zombieland » peut-elle se contenter d’un simple minimum syndical ? Pour retrouver la fraicheur du premier, il aurait fallu être en mesure de reconstituer cette rupture instaurée en 2009 à l’égard de cette invasion (de films) de zombies. Or je trouve assez difficile d’opérer une telle rupture quand on reprend les mêmes mécaniques, les mêmes personnages, et pratiquement le même propos pour mêler le tout. Et puis le problème, c’est qu’en 2019, la vague des films de zombies est passée. Autant dire qu’avec ce « Retour à Zombieland » on joue davantage sur la nostalgie et le capital sympathie du premier plutôt qu’on se risque à réinvestir le tout sur une proposition nouvelle.


Alors vous allez me dire que je suis sévère et surtout que j’en demande beaucoup. « Oh ça va ! C’est une suite ! On ne peut pas s’attendre à un film totalement nouveau non plus… » Bah justement. Moi, face à ça j’ai envie de répondre : « vous êtes sûrs ? » Parce que réfléchissons un peu aux bonnes suites qu’on a connues. Pensez au « Parrain 2 », pensez à « Retour vers le futur 2 », pensez à « Terminator 2 ». Chacune de ces suites apporte une vraie rupture de narration, d’état d’esprit, d’univers par rapport à son prédécesseur. Et même si à un moment où à un autre on n’hésite pas à réinvestir pleinement l’univers du précédent, ce n’est pas pour autant le cœur de la démarche. Une bonne suite, c’est un nouveau film. Pas une simple redite qui refait mécaniquement les choses avec deux trois petits ajouts histoire de ne pas avoir l’impression de remanger la même chose.


Et si je dis tout ça, ce n’est pas pour faire mon aigri par principe. Parce que moi à la base, je ne demandais qu’une seule chose : c’était de passer un bon petit moment sans me prendre le chou ! Seulement voilà, ce bon moment, eh bah je ne l’ai pas passé. J’ai regardé ce film sans déplaisir certes, mais sans intérêt non plus. Je voyais juste une redite se dérouler sous mes yeux ; une banale mécanique qui pousse tranquillement ses wagons les uns après les autres sans qu’à aucun moment le train ne m’emporte vraiment. Et le pire, c’est que ce film avait pourtant quelques pistes qu’il aurait pu mieux exploiter…


L’idée de faire évoluer les zombies vers quelque-chose de plus menaçant et dangereux, par exemple, moi je trouvais ça vraiment très intéressant. Parce que face à une menace plus véloce, notre petite famille aurait peut-être été contrainte de dépasser le simple cadre de la famille pour réapprendre à vivre dans des structures sociales plus larges et complexes. On serait alors passé à des problématiques différentes sur les questions de vivre-ensemble, de gestion des différences individuelles, etc… Mais, de ça, le film n’en fait finalement pas grand-chose. Juste une menace, assez réduite au fond parce qu’on ne les voit quasiment jamais, et qui ne sert qu’au final qu’à garantir une sorte de grand final pas si grand que ça au fond. Même critique au sujet de la relation extraconjugale de Colombus avec Madison. Je trouvais ça vachement intéressant qu’au fond on sache poser la question de la « crevardise » sexuelle dans un monde où la vie est frugale sur bien des points. Ça interroge sur la vraie nature d’un couple, du choix, de ce qui le stimule vraiment, et ça aurait pu franchement aller très loin en termes de propos et de situation comique s’ils avaient su exploiter vraiment ce filon là. Mais au lieu de ça, pas grand-chose. Juste quelques blagues faciles sur un personnage vraiment pas très inventif et une happy-end à base de « tu es bien l’amour de ma vie » pour conclure. C’est quand même vraiment pas bien folichon.


Alors après, si certains s’y retrouvent avec ça, tant mieux.
Je peux comprendre. Après tout, voir « Retour à Zombieland » c’est un peu revoir « Bienvenue à Zombieland » dix ans plus tard. Et c’est vrai que ça reste toujours sympa de revoir un film qu’on a bien aimé et qu’on a un petit peu oublié.
Seulement voilà, moi, quitte à devoir revoir « Bienvenue à Zombieland » je pense que j’aurais encore préféré revoir littéralement « Bienvenue à Zombieland ». J’aurais davantage retrouvé la fraicheur qu’avait su apporter ce film à l’époque, notamment par rapport au fait qu’il réinvestissait les codes du film de zombies de l’époque pour en jouer et pour les rompre. Là, avec ce « Retour avec Zombieland », on ne réinvestit pas les codes de films de zombies, on réinvestit « Zombieland » premier du nom et on ne rompt avec rien. On voit juste un film qui reproduit finalement des mécaniques burlesques en grande partie éventées.
Au fond, plus qu’un film de zombies, ce « Retour à Zombiland » est davantage un film de robots ; ou pour être plus précis un film fait par des robots.
Alors c’est vrai que des robots, quand ils sont bien programmés, ça sait reproduire de beaux objets. Mais moi, je ne vous le cache pas, en allant voir « Zombieland » j’attendais davantage de chair, quitte à ce qu’elle soit un petit peu putréfiée…

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le 6 nov. 2019

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