Rivière sans retour par Frankoix
Les dix premières minutes de "Rivière sans Retour" constituent la quintessence de ce que Hollywood pouvait offrir d'unique et de meilleur dans les années 1950: de grands (et beaux) espaces, magnifiquement filmés; une chanson-titre évocatrice et mélancolique ("River of No Return", que Marilyn Monroe reprend admirablement à la fin du film); une star féminine sexy en diable et un Robert Mitchum taillé dans le roc, archétype du héros viril et désabusé.
Des stéréotypes, il y en a sur les rives de ces eaux agitées : des Indiens, des chercheurs d'or, des maris violents...le tout empesé par une réalisation assez datée (les trucages en transparence, grossiers, ont très mal survécu au passage du temps!); le scénario reste très prévisible et une poignée de scènes dramatiques prêtent à sourire (la tentative d'assaut de Calder sur Kay; l'attaque de la bête sauvage)...
...mais la magie opère néanmoins: Mitchum et Monroe assument pleinement leurs rôles: elle, en chanteuse qui rêve d'une vie meilleure ("de belles robes, de grands hôtels, l'opéra") ; lui, en homme de l'Ouest qui en a vu d'autres et qui ne s'embarrasse d'aucune fioriture (à Marilyn qui lui confie son désir de trouver "un endroit où les gens vivent comme des êtres humains", il rétorque: "Il faut aller au Paradis pour ça"). Et Otto Preminger donne son meilleur dans ces plans panoramiques sur la rivière en furie, ou encore dans cette séquence (stupéfiante) où Mark, un jeune garçon de dix ans, sauve la vie de son père de la manière la plus tragique, la plus étonnante qui soit.
"Rivière sans Retour" est une oeuvre-témoin, une capsule qui nous fait voyager vers une époque révolue, vers un âge d'or qu'il est impossible de ne pas regarder sans qu'une bouffée de nostalgie nous traverse et nous fasse rêver, tout simplement.