Tout le monde aime une décennie particulière, et les cinéphiles se battront certainement dans l’au-delà pour savoir laquelle nous avait pondu les meilleurs métrages. Impossible de vous dire si les années 80 sont les meilleures, mais ce qui est sûr c’est qu’elles n’ont pas à rougir face à ses soeurs, Robocop étant l’un des exemples les plus édifiants.
Robocop avait cette particularité unique de mêler habillement la plus crue des violences avec la plus vive des critiques de société, très souvent cachée devant les façades burlesques (flashs télé, pubs…) d’une science-fiction fantasmagorique.
Ici tout est lâché dès les premières secondes avec une scène de « pacification » digne de Team America World Police où des ED-209 et autres droïdes terrorisent la population tout en répétant « As-salam aleïkoum ». On sourie et cela nous rappelle les pitreries de Verhoeven, mais malheureusement ça s’arrête là, la suite étant aussi sérieuse et morose que les funérailles de Lady Diana. S’enchainent après une succession de portes ouvertes laissées sans suites, ponctuées par les apparitions de Samuel L. Jackson en présentateur télé corrompu, affreusement ridicule sur ce fond noir donnant l’impression que l’on regarde un énième podcast fait par un ado dans la cave de ses parents.
Même les scènes d’action sont ratées, ce qui est franchement dommage lorsqu’on sait que le réalisateur est le même que celui des Troupe d’élite. Ça ressemble à une resucée d’IronMan (le casque escamotable illustre bien cette ressemblance), la musique cool en moins, remplacée par une bande-originale dégueulasse mais heureusement discrète.
A certains moments on se demande même si tout cela n’est pas une farce, car les acteurs sont à l’opposée totale du métrage, ils sont tous, exception faite de Joel Kinnaman (Robocop), fabuleux au point que cela en devient énervant. Gary Oldman ne fait pas dans l’originalité et ressemble comme deux goutes d’eau au personnage bienveillant de Gordon dans les Batman, mais cela ne l’empêche pas de briller en passionnant chercheur en robotique. Michael Keaton nous rappelle qu’il n’est pas encore enterré et enfin Jackie Earle Haley, presque absent depuis Watchmen où il tenait le rôle de Rorschach, qui est merveilleux en badass bien décidé à prouver qu’un Homme, même à moitié machine, ne dépassera jamais la perfection robotique.
Entre les scènes d’action en vue subjective qui donnent l’impression de regarder un pote jouer à Call of Duty, en plus de ne rien comprendre à ce qu’il se passe et le total manque de sarcasme on se demande bien quel est l’intérêt de ce remake dégoulinant de démagogie républicaine, si ce n’est nous rappeler à quel point la peur du robot est un sujet dépassé, enterré, que ça soit par Robocop 87 et évidemment tout ce qui a pu être fait avant, la littérature d’Asimov en tête. On comprend aisément que le réalisateur José Padilha ait descendu le film à sa sortie, car comme beaucoup avant lui il a dû affronter l’Hollywood pour les étrangers: on veut votre nom sur l’affiche mais pas vos idées, les idées viendront des producteurs, d’où le fait que ce Robocop ait autant de personnalité qu’un grille-pain et la pertinence du contenu d’une couche pleine. Le pire c’est qu’il passe après Dredd, qui malgré 20 minutes de moins et des dialogues en retraits le surpasse et reste la référence actioner sci-fi des années 2010.
Obsolète et corrompu, ce RoboCop est totalement déphasé face à la réalité et perd ce qui faisait du film originel un grand film d’anticipation. Ennuyeux, répétitif, ça tourne en rond et on ne sait jamais quel but la bobine veut atteindre, ni même si elle en a vraiment un. A réserver au même public que celui qui se masturbe en regardant l’E3.