Un biopic fictif de bonne tenue, mais beaucoup trop long

L’un des acteurs les plus appréciés de sa génération, Guillaume Canet, a surtout marqué les esprits du cinéma français ces dernières années après être passé derrière la caméra. Notamment avec Ne le dis à personne, une adaptation de très bonne facture du polar de Harlan Coben, et Les Petits Mouchoirs, une comédie dramatique et succès commercial au box-office français de 2010 (seconde place avec 5 457 251 entrées). Et il semblerait que le bonhomme ait décidé de switcher entre les genres. En effet, après le thriller américain Blood Ties (remake du film Les Liens du Sang dans lequel jouait Canet), le cinéaste revient à l’humour en livrant une œuvre pour le moins atypique : une sorte d’autobiographie fictive sur le papier prétentieuse car exposant son nom à la majorité des postes (réalisateur, acteur pirncipal, scénariste…). Un projet pour le moins casse-gueule qui réussit toutefois à remplir hautement son cahier des charges… avant de plonger dans un n’importe quoi sans nom !


Si la crise de quarantaine touche chaque adulte et que cela reste un moment un chouïa dépressif plutôt personnel à vivre, Guillaume Canet a décidé, lui, de l’exposer à la face du public. En se mettant en avant dans un délire qui aurait très bien pu laisser le public indifférent. Mais autant dire qu’il a fait fort, en parvenant à combiner fiction ahurie et séquences inspirées d’instants vécus. Et donc, en jouant les comédiens ayant péter un câble, Canet s’est permis beaucoup de choses qui font de sa comédie un long-métrage fort sympathique. Un divertissement qui saura vous arracher bien des rires pour vous faire passer un agréable moment. Et ce grâce à des scènes tout bonnement magiques, comme une Marion Cotillard s’entraînant sans cesse à parler québécois (comprenant accent et expressions) juste pour un casting. Une entrevue d’apprentissage avec Johnny Hallyday pour devenir « rock ». Une soirée arrosée qui dérive très rapidement en very bad trip pour le personnage. Ou encore une perte de contrôle en plein tournage. Sans jamais tomber dans le graveleux ni l’humour balourd, cela va de soi !


Mais ce qu’a voulu faire Guillaume Canet avec Rock’n Roll, c’est également de montrer une caricature de la vie de célébrité. Parodiant sa vie de couple, son métier et son existence, mais surtout l’univers qui l’entoure à savoir celui du cinéma. Dans lequel le réalisateur a su convaincre beaucoup de ses compères pour interpréter leur propre rôle, aussi bien proches (Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Maxim Nucci, Philippe Lefebvre…) que simples connaissances (Camille Rowe, Yvan Attal, Kev Adams). Il est même parvenu à faire venir dans son film le couple Halliday le temps d’une séquence, à faire venir d’Hollywood Ben Foster pour quelques minutes d’apparition, et aussi à faire jouer son producteur (Alain Attal). Et tout cela pour quoi ? Pour se prêter au jeu avec une telle allégresse et complicité que cela en devient jouissif à souhait. Tout le monde en prendre pour son grade et/ou se livre à une prestation totalement déjantée (mention spéciale à Cotillard et Johnny Hallyday).


Mais, car il fallait bien un « mais », le film possède un très gros défaut venant gâcher tout cela : sa durée. Après avoir assisté aux 2 heures de visionnage du film, vous vous direz sans l’ombre d’un doute que ce dernier aurait dû s’arrêter une bonne demi-heure avant le générique de fin. Et pour cause, à force de vouloir faire venir ses potes et enchaîner les séquences drôles, Guillaume Canet semble ne plus trop savoir quoi raconter. Du coup, voulant poursuivre dans le délire le plus total, il s’enlise dans le n’importe quoi. La sonnette d’alarme sera tirée par un élément scénaristique (la chirurgie esthétique) qui va faire perdre à l’ensemble son rythme mais également son efficacité humoristique. L’ennui et le grotesque pointent alors le bout de leur nez et c’est fort dommage, surtout vu comment s’était déroulé le début du long-métrage. Une baisse de régime plutôt fatale témoignant des dérives du réalisateur/scénariste qui a littéralement perdu le spectateur alors que lui s’amuse à se cacher derrière un maquillage affreux et se ridiculiser comme ce n’est pas permis.


À cause de cette dernière partie tirant bien trop sur la corde, Rock’n Roll perd irrémédiablement de sa saveur alors qu’il avait tout ce qu’il fallait pour être l’une des comédies françaises les plus mémorables de cette année 2017. Mais ce que nous offre Guillaume Canet reste fort présentable et se montre bien plus efficace que des horreurs comme que Les Nouvelles Aventure d’Aladin ou toute autre film faisant honte à notre cinéma, déjà pas folichon en la matière depuis plusieurs années.

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