Nouvel étendard du cinéma français après sa formidable interprétation d'un homme luttant contre un système économique inhumain, Vincent Lindon revient sous les traits du grand sculpteur Auguste Rodin. "Rodin", de Jacques Doillon, c'est le mariage réussi entre l'image et le verbe, l'amour et l'art, l'immobilisme et le mouvement. L'âme de l'artiste semble habiter ce film qui se passe, pour près de la moitié du temps, dans les ateliers du maître où l'explosion des sentiments se fait au milieu de statues autant spectatrices qu'actrices de ces scènes, parfois un peu trop verbeuses, mais retranscrivant à merveille ce rapport de partage et de domination entre Rodin et Claudel. On pourra émettre une objection au fait que le film s'attarde peut être un peu trop sur la relation destructrice entre le maître et l'élève géniale mais Doillon parvient à rendre cette liaison d'une subtilité incroyable, n'affichant jamais de front les troubles psychiques de Claudel et la toxicité de son amant. Et pourtant, dans leur créativité sans borne, les personnages se livrent et racontent leurs angoisses et leurs amours. "Rodin" bénéficie par ailleurs d'un gros travail sur les décors et d'une mise en scène quelque peu théâtrale qui peut parfois alourdir l'ensemble mais qui permet cependant aux deux excellents acteurs que sont Vincent Lindon et Izïa Higelin, d'exprimer pleinement leur virtuosité au moment de joutes verbales assez mémorables. Un biopic tout sauf linéaire qui s'apprécie comme une sorte de visite au musée des passions mais qui aurait sans doute gagné à s'envoler vers des cimes plus dérangées.