Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Camus visait juste lorsqu'il affirmait que ne pas savoir précisément de quoi on parle conduit à l'incompréhension. Dans la longue liste des méprises organisées, Rogue One est un cas d'école. Que vaut ce spin-off-interquel-postprélogie ? Revenons sur les multiples facettes de cette guerre perdue d'avance.



Comando Mino



20 ans après la chute de la République la constitution de l'Empire Galactique, la résistance prépare une attaque. Les rebelles doivent en effet réagir face à ce qui restait alors une rumeur : l'Empire s'est doté d'une arme assez puissante pour détruire des planètes entières. Dans une période de guerre civile, cette Etoile de la Mort redistribue les cartes et pousse les rebelles à agir. Un groupe de résistants, constitué presque par hasard, a pour mission d'en voler les plans afin de repérer une faille dans le système de la base impériale. Mené par Jyn Erso (la belle Felicity Jones ), jeune protégée d'un leader rebelle, et du capitaine Cassian Andor (Diego Luna, qui fait ce qu'il peut) ce commando de mercenaires aux destins croisés a la lourde tâche de faire tomber le premier domino, qui entraînera peut être la chute de l'Empire.



Guerre totale



Cet épisode s'insère entre les épisodes III et IV de la saga. Se présentant comme un spin-off, le scénario nous propose de suivre ce fameux commando responsable de la chute de l'étoile noire.
La qualité principale réside dans son aspect martial : la guerre des étoiles se donne enfin à voir pour la première fois. Les victimes sont militaire comme civiles, les batailles terrestres, aériennes, spatiales font rages. C'est encore au sol que les affrontements sont les plus réussis. De la guérilla urbaine au champs de bataille forestier, Gareth Edwards exploite la richesse de l'univers pour incarner cette guerre, au sens le plus stricte du terme.



Drôle de guerre



Passé l'émerveillement de voir sur grand écran une portion inédite de la saga, les trous béants de l'intrigue reviennent en hyper-vitesse. Le film reprend un rythme claudiquant, sursautant parfois sur des pointes d'humour récurrentes des side-kick rigolos. Les scènes d'une lenteur rare sont ponctuées de dialogues convenus, faisant sombrer par trois fois votre serviteur dans un état de somnolence.


Le scénario s'empêtre dans une galerie de personnages peu attachants, se résumant à un unique trait de caractère. Un ratage se cristallisant sous les traits bouffis d'un Dark Vador sorti de sa retraite de 40 ans, le temps d'un caméo maladroit. Gauche et mal assuré, le seigneur Sith souffre d'une iconisation bâclée.



Résurrection



Comble du naufrage, l'apparition soudaine de Peter Cushing sous les traits de Grand Moff Tarkin propulse le spectateur hors du film. L'amiral semble sorti du musée Grévin ou d'une suite spatiale du Pole Express. Revenu conscient sur le siège du cinéma, on ne peut que constater la gêne occasionnée par cette ultime tentative d'un film voulant raccrocher à un mythe qui le dépasse, quitte à déterrer les morts. Outre la question éthique que pose la résurrection d'un acteur décédé depuis 20 ans, la démarche est symptomatique de la récente histoire de la saga Star Wars. En effet, faire revenir la guerre des étoiles d'entre les morts a-t-il encore un sens ? L'utilisation systématique et agressive des effets numériques ne corromprait-il pas l'essence même de la magie originale ?


Le relatif échec de la prélogie de Lukas soulevait déjà cette interrogation. La bonne volonté de J.J. Abrahms parvenait vaille que vaille à redorer les lettres d'or d'une mythologie essoufflée. Ici, nous sommes face à un produit de consommation.


Au final, cet épisode se voulant en dehors des sentiers battus et un concentré de clichés et de lieux commun, parmi les plus grossiers des années 2000. Là où J.J. Abrahms tentait de bousculer doucement les codes, Edwards se vautre allègrement dans les pages du "Cinéma pour les Nuls". Seules les ultimes minutes font renaître le temps de quelques plans un nouvel espoir.



Délit de langage



Sans faire de Disney la cause de tout les maux de l'univers, il est tout de même possible de repérer une corrélation entre l'acquisition des droits par la boite à Walt et la volonté de nous faire manger du Stars Wars à la Cantina tout les ans. Le film est un immense bouchon de liège servant à combler un espace vidé de son matériel étendu, balayé d'un revers de gant par la souris en 2014.


Attention cependant à rester clair dans nos bottes galactiques : Disney a bel et bien répété que l'annulation de l'univers étendu est un parti pris afin d'offrir au grand public une remise à plat totale pour plus de compréhension. Ainsi se pose naturellement l'idée de spin-off à répétition. Forons le gisement qu'aux profondeurs obscures et puisons ce qu'on peut puiser.


Sauf que mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Ici on parle bien de l'intention. Cessons l'angélisme et réalisons qu'il ne s'agit pas d'une démarche artistique. Le projet est clair : vendre des places. Ce n'est pas un spin-off, c'est un alibi déguisé en spin-off. Ce n'est pas une volonté honorable de faire découvrir Star Wars à Jean-Kévin ou à Mémé, c'est un blockbuster grossier sur lequel on à le droit de coller l'étiquette Star Wars. Le vendre comme un spin-off, c'est semer l'incompréhension et cracher sur une saga qui a marqué des générations entières.


Bien nommer, c'est assumer.

AlainStarman
4
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le 21 déc. 2016

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Le  Fléau

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