Rome, ville ouverte, oui, mais par la force des choses ou de l’art ? Bilingue malgré que les Allemands fussent partis de Rome si peu de temps auparavant que les studios Cinecittà étaient encore fermés, ce film démarré en documentaire est devenu le fleuron du néoréalisme, pierre angulaire produite par un commerçant (on trouvait les nantis où ils étaient) où l’eugénisme perle jusque dans la considération que les cris d’un Italien sont inférieurs à ceux que pousserait un soldat de la « race supérieure ».
Le film est redevenu documentaire malgré lui, se tenant si proche de la guerre qu’il a été tourné en plein démuniment, fort d’une censure encore trop abasourdie de souvenirs vivaces. Mais à trop souffrir de le réaliser, l’équipe n’a pas transmis tout son bagage à l’histoire, insensibilisée par le cumul de trop de douleurs et trop variées, où la torture n’est qu’un dyke sur les hauts plateau de la tourmente.
Faite de bric et de bouts de ficelles, l’œuvre de Rossellini est presque adorable dans ses plans bougés et son montage agité. Cela lui donne de la vie, car on a l’impression de la voir projetée comme au bon vieux temps… et ce sentiment durera tant que le film durera, car aucune nouvelle technologie ne lui retirera ces aspérités si authentiques.
Réalisé dans un contexte si rare que son tournage a été précipité, c’est un mauvais film ; patchwork de trop d’histoires vraies, pas cadré, mal monté… Mais on serait bien en mal de le taxer d’opportunisme, et ce sont ces stigmates qui font de lui non seulement un film historique mais un film admirable, un magnifique fantasme de contrôler la guerre sur pellicule puisqu’on ne peut la contrôler en réalité… et que la documenter est si morbide.
Quantième Art