Sortant du coffre d’une voiture venant de slalomer entre des chaises placées dans le désert, un flic nous explique face caméra, que ce que nous allons voir est un hommage à tous ces moments de cinéma qui n’ont aucune raison d’être. Dès le début, l’absurdité déjà élaborée dans Steak, fait mouche pour faire place un film assez original dans son genre. Rubber c’est l’histoire d’un pneu tueur en série, faisant exploser à distance toutes les têtes de tous les humains qui ont le malheur de croiser son chemin, comme vengeance à tous les pneus brulés sur le bas-côté de la route. Dans le même temps, montant en dérision son propre film et l’attente véhiculée par le public, Dupieux imagine un film dans le film dans cet environnement désertique, où des spectateurs regardent ce spectacle avec des jumelles, tout en commentant le parcours sanglant de cet outil de la mort. Aidé par un sens du cadre et une photographie irréprochable, Rubber est un film difficilement classable, visuellement passionnant, qui prend son pied entre humour burlesque absurde et récit presque contemplatif sur les déambulations arides d’un pneu fou. Déjà avec Steak, Quentin Dupieux avait démontré sa facilité pour nous proposer un univers décalé, sachant changer de ton et de rythme à sa guise. Le film ne recherche pas le gag pour le gag mais sait être souvent très drôle, notamment à travers de ce personnage de flic complétement barré. Même s’il est presque évident de saluer l’audace du projet, filmant ce pneu quasi humanisé et personnifié où une certaine empathie fonctionne même envers ce vulgaire objet, pointe ce même gout d’inachevé, de voir un long métrage qui ne va pas jusqu’au bout de son idée, manquant d’un brin de folie salvateur où Quentin Dupieux ne sait pas choisir entre le côté ludique ou expérimental du projet. Rubber s’apparente à un vrai délire assumé mais qui manque d’envergure pour réellement fasciner. Comme Steak, Rubber est court mais aurait pu être encore plus court, prenant le visage d’un clip ou d’un court métrage pétaradant avec sa musique électro inspirée mais pas inoubliable. Le cheminement de ce pneu tueur s’avère un peu répétitif avec toujours le même schéma visuel où l’on voit le pneu s’arrêter devant sa victime en lui faisant éclater le crane. Le réalisateur peine à vivre cette escapade, à lui donner un deuxième souffle et à construire un véritable récit, préférant plus s’appesantir sur le sort des spectateurs. C’est dommage car Rubber se finit d’une excellence manière avec ce piège crétin hilarant et cette réincarnation jouissive.