Après la sortie d’Yves Saint Laurent de Jalil Lespert en janvier dernier, qui fut un succès aussi bien critique que publique (près d’1,5 millions de spectateurs), c’est au tour de Bertrand Bonello de délivrer sa version cinématographique de la vie du couturier. Alors qu’il semblait très difficile pour le réalisateur de faire oublier le premier film, sa présentation à Cannes lui offre une visibilité finalement bienvenue. Et le film est une grande réussite, dont les partis pris sont très différent du premier film, même si l’histoire racontée est la même.

D’une part, Bonello ne se concentre que sur dix ans de la vie de Saint Laurent, au moment de son apogée artistique, qui sont également les années où sa vie personnelle fut la plus mouvementée. En effet, le réalisateur s’intéresse ici plus à l’homme qu’à sa création, montrant le génie de la mode dans ses moments de faiblesse, ne cachant rien de son mode de vie sulfureux, entre alcool, sexe et drogue, auprès de son amant de l’époque Jacques de Bascher, ou de ses muses Loulou de la Falaise et Betty Catroux. La réalisation apporte aussi un classe folle au film, accompagnée d’une bande originale en totale accord avec l’époque, dont l’apothéose est le défilé finale sous un air de Maria Callas, réalisé dans un assemblage de cadre évoquant la première des tenues mythiques, la robe Mondrian. On ne pourra que lui reprocher sa chronologie à partir de la seconde partie du film, entrecoupant son récit de scènes représentant Saint Laurent, alors incarné par Helmut Berger, dans les dernières années de sa vie, ce qui a finalement peu d’intérêt.

Mais le plus impressionnant de le film, et ceux que l’on redoutait pourtant le plus, est l’interprétation de Gaspard Ulliel, qui se fond complétement dans son personnage avec un naturel désarmant, à tel point qu’on ne décèle jamais l’acteur derrière Saint Laurent. Il parvient ainsi à réaliser l’exploit de faire oublier Pierre Niney dont l’interprétation était déjà remarquable dans le film de Lespert. A noter aussi l’interprétation fascinante et ambiguë de Louis Garrel dans le rôle de Jacques de Bascher, donnant beaucoup plus d’intérêt à ce personnage clé de cette période de la vie du couturier. Le casting féminin, composé de Léa Seydoux, Aymeline Valade et , est également très convaincant. Le problème vient seulement de Jérémie Renier, peu à l’aise avec le personnage de Pierre Bergé qu’il rend hélas ici anecdotique, ne laissant apparaître que le caractère dur du business man, là où Guillaume Gallienne, dans Yves Saint Laurent, n’oubliait jamais d’exprimer dans son jeu l’amour et le respect de Bergé pour son compagnon.

Bonello réussi donc son pari avec ce Saint Laurent, certes un peu long (2h30), mais passionnant et esthétiquement irréprochable, porté par Gaspard Ulliel dans ce qui restera peut-être le rôle de sa vie.
Lilii
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le 21 mai 2014

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