L'Iconique Légende YSL,Mortel parmi Les Dieux!

"J'ai créer un monstre". Banalement sortie du contexte du film,cette sentence d'YSL ne dit rien de la tonalité douce-amère de la biographie du personnage iconique de la mode.C'est pourtant la matrice essentielle qui entérine le fondement directeur du projet de Bertrand Bonello.Plus que le résultat de son travail et la célébrité qui en découlera tout au long de sa fastueuse carrière,c'est le décalage entre l'apparente assurance et l'estime indéfictible que dégage le créateur dans l'opinion publique et son abyssale trauma intérieur qui semble avoir décidé le réalisateur à se lancer dans l'aventure.Cinéaste du néant,il n'est jamais autant à l'aise que pour dévitaliser les archétypes de la réussite sociale et déconstruire ses modèles.

Il est en effet troublant de constater à quel point ce faux biopic est une réponse à son gracieux "Appolonide".Le parcours de ces prostituées dans le Pigalle d'autrefois rejoint en grande partie celui d'un homme dépassé par un monde dans lequel l'ivresse des joies futiles est mère de toutes les angoisses.S’abandonner aux autres équivaut à une mise en abyme de sa souffrance et légitime ainsi les plus grands excès.Les premières dans l'effacement de leurs corps et la soumission masculine,cette autorité dénigrante de la force vitale féminine.Le second dans sa recherche permanente d'une réponse existentielle à sa plus grande frayeur:qu'est ce qu'un créateur?Son extraordinaire talent ne l'a jamais rassuré et il n'a cessé de questionner le sens de ce don.Pourquoi tant de louanges et de succès,une telle unanimité autour de lui alors que son seul mérite réside dans le fait de simplement avoir des idées,aussi fabuleuses soient elles?Ne sachant comment se départir de la vacuité bourgeoise qui l'entoure,son seul désir demeure l’apaisement mental.Tiraillé entre sa mégalomanie de génie et l'aspiration à rester mortel parmi les dieux,il expérimente l’extrême sexualité et la drogue dure dans une fuite en avant infinie.Ses fidèles compagnons de route,fidèles serviteurs,n'infléchiront pas ce délabrement inévitable.

Émouvant requiem que ce regard sur une légende impénétrable dont la fragilité esquisse un portrait en creux des artistes tourmentés par la solitude,ce mal indissociable des génies de ce siècle.Gaspard Ulliel incarne la mélancolie élégante comme rarement,voix fluette et regard perdu dans une sensualité de velours.Malicieux,il possède la lucidité courageuse des âmes déchues.Louis Garel accompagne ce pas de deux tout en subtilité et charme diffus avec prestance.On ne peut malheureusement pas en dire autant d'un Jérémie Rénier engoncé dans son costume de Pierre Bergé.Emprunté,il tente de masquer sa faible interprétation avec force gesticulations et grimaces.Pénible.De même,ses muses n'inspirent jamais d'empathie,fades pastiches de femmes fatales sacrifiées sur l'autel du luxe chichiteux.Dans ce registre,Léa Seydoux frappe fort en Loulou de La Falaise insipide.Aucune incarnation de la part de l'actrice,qui se caricature à l'envie.Copie conforme de L'Adèle de Kechiche,elle reproduit la fille bohème éperdue de liberté.Dommageable quand on sait que les travaux de l'artiste sont pensés et conçus pour magnifier la modernité de celles ci.

La conclusion rattrape en bonne partie cette faiblesse grâce à la fine composition D'Helmut Berger,vieux couturier retraçant le fil d'une vie pleine mais inaboutie.Les souvenirs comme gardien du temple d'une institution en friche,précieux corpus érigé en sauveur de la mort,voila l'idée sublime de Bonello.De la belle ouvrage,imparfaite mais inestimable.

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le 29 sept. 2014

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