Le film commence alors que le grand couturier a déjà fait ses preuves et travaille sur les collections qui feront sa célébrité. Contrairement à la plupart des biopics, on ne saura donc rien ici de la jeunesse de notre sujet, ni de la genèse de son talent. Bonello ne s'intéresse d'ailleurs que peu aux créations de Saint Laurent, si ce n'est dans une ou deux scènes de défilés dont la superbe collection 76 ; il s'est davantage consacré à cerner la dimension humaine du personnage. Et c'est réussi. On découvre un homme particulièrement ambivalent, à la fois fragile psychologiquement mais immensément respecté, désireux des hommes mais magnifiant les femmes, vivant dans un grand luxe mais s'offrant des passades viriles sur des chantiers boueux. Un homme partagé entre Pierre Bergé, le grand amour de sa vie joué avec justesse par Jérémie Rénier et sa passion pour Jacques de Bascher un dandy adepte d'une vie sulfureuse. Un homme tout frêle ingurgitant des quantités astronomiques d'alcools et de drogues mais faisant fi de la maladie et de la mort jusqu'à 73 ans. Bonello dresse ainsi le portrait d'une sorte de funambule, jouant les équilibristes avec des passions toujours plus destructrices. Les épisodes plus ou moins trash de la vie d'YSL défilent au fil des années 70 et occupent l'essentiel de la mise en scène. Et puis ici et là, comme des parenthèses sublimes, surgissent des phases de création. Yves Saint Laurent se remet à sa planche à dessins et la magie est au rendez-vous. Belle trouvaille de Bonello, quelques plans kaléidoscopiques qui présentent plusieurs scènes accolées ne sont pas sans rappeler les tableaux de Mondrian si chers (au propre comme au figuré) au grand couturier.
Seul bémol, la construction du film alternant passé et présent par enchâssement de scènes éloignées dans le temps semble quelque peu artificielle et occasionne surtout des longueurs qui amoindrissent la tension du film. Mais Saint Laurent reste très intéressant et à voir sans réserve.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 6/10
Réalisation/mise en scène : 7/10

Theloma
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le 3 nov. 2015

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