Saint Bonello

Conscient du projet concurrent Bertrand Bonello a eu envie de se démarquer en laissant au placard le biopic traditionnel pour ne se consacrer qu'à une décennie de la vie d'Yves Saint Laurent. Cela a permis à son film de se détacher de la figure tutélaire de Saint-Laurent pour raconter aussi les bouleversements d'une époque qui l'a ravagé.


Il faut du bon goût pour faire un film sur LE chaman de la mode, et Bertrand Bonello en a, assurément. Déjà dans son précédent film L'Apollonide, il avait su nous faire voyager aux temps de la Belle-Epoque grâce à des costumes et décors magnifiques réussissant à dégager une élégance extrême d'une lugubre maison close. Il nous refait le coup pour les années 70 pour atteindre le film plastiquement parfait. Une forme élégante, un minimum pour un film sur Saint-Laurent, et c'est fait avec classe.
Mais la virtuosité ne s'arrête pas là. Il n'y a qu'à voir la précision des cadres du cinéaste qu'il travaille avec la même ardeur que ne le faisait Saint Laurent avec ses robes. Bonello fait de chaque plan une composition esthétique au millimètre et se laisse même aller au Mondrian le temps d'un défilé. Et cette mise en scène somptueuse n'a rien a envié aux performances de ce trio d'acteurs, au sommet.

Malgré ce que le titre de son film pourrait le laisser présager, Bertrand Bonello n'a pas réalisé une hagiographie du couturier, mais un véritable film sur la haute-couture. Comment ce nouvel art est-il lui-aussi devenu une véritable industrie ? Ainsi le couple Pierre Bergé / Yves Saint Laurent est l'image même de la mode parisienne : la fusion entre les affaires commerciales et le talent artistique, beau et sulfureux en apparence, douloureux et parfois tragique en coulisse.


Saint Laurent, loin de n'être que le portrait d'une figure quasi christique de la mode, est le reflet d'une époque et d'une métamorphose du monde de l'art. C'est aussi et surtout un formidable exercice de style, de circonstance pour un film sur la mode. Une réussite injustement oubliée à Cannes.