Grâce à un excellent travail esthétique sur l’image principalement mais aussi sur le son, grâce à des transitions soignées, une ambiance angoissante et surtout grâce à la plongée hallucinée dans la psychologie pour le moins trouble de la protagoniste (Maud), Rose Glass réalise un premier long-métrage très maîtrisé, aussi fascinant qu’effrayant, intelligemment construit avec cette opposition des points de vue (externe et interne) mettant en scène le délire de Maud.
Bien que le film fantastique occupe une place mineure dans le cinéma, certains parviennent à transcender ces barrières formelles et à sortir du paradigme du genre pour devenir syntagme, œuvres à part entière - film d’auteur, dit-on. Nous pensons notamment à Shining, Rosemary’s baby; ou, plus humblement au récent It follows ou encore, mais nettement mieux, à Saint-Maud.
La très jeune Rose Glass a de quoi étonner : à peine 30 ans, des études de cinéma et quelques courts-métrages au compteur et la voilà déjà propulsée sur le devant de la scène. Bosseuse dans l’âme et collaborative dans ses projets, elle sait bien où elle veut arriver et comment y parvenir. À l’image du scénario du film : le spectateur s’attend déjà plus ou moins à ce qu’il adviendra de Maud et surtout d’Amanda (la malade terminale dont elle « s’occupe »), et il entrevoit, quoique confusément, les moyens qui seront mis en œuvre par Maud pour parvenir à ses fins.
Néanmoins, Rose Glass sait nous surprendre, que ce soit visuellement à travers les distorsions de Maud ou psychologiquement à travers l’ambiguïté de sa dévotion envers l’Autre et envers Dieu. Et que dire de la photo, du travail sur la couleur et des cadrages, pleins d’audace et de pertinence, de ce portrait en filigrane d’une société qui trompe artificiellement sa solitude et son ennui, ou encore de cette mise en scène de la folie à travers ce montage parallèle entre la réalité et l’esprit?
Du beau travail, en somme, d’une réalisatrice à suivre.
7.5/10