Salo, c'est le nom de la république (sociale italienne) qui fut dirigée par Benito "le facho" Mussolini de 1943 à 1945, issu de celui de sa capitale lombarde effective - l'officielle restant Rome. Les 120 journées de Sodome, c'est la première œuvre (inachevée) du Marquis de Sade, écrite dans la prison de la Bastille en 1785...


Fascisme et sadomasochisme (pour caricaturer), voilà donc le cocktail culte du cul servi par Pier Paolo Pasolini en 1975, et dont la destinée tragique en fera son dernier film. La musique classique, très importante tout au long de cette oeuvre pour le moins controversée - et pour une fois c'est mérité - l'ouvre magnifiquement, mais pas de round d'observation : sous l'occupation nazie on enlève de jeunes campagnards, on se refile ses propres filles à marier entre "libertins", ces mêmes salopards faisant leur marché de jeunes gens (filles et garçons) mis à nu pour mieux tâter de la marchandise, et aidés par de vieilles salopes très contentes d'elles. Mais avant d'en arriver là, il se dégageait déjà une atmosphère particulièrement malsaine en raison de personnages d'emblée déshumanisés (le "président" avec son strabisme fait froid dans le dos). mais surtout, la réalisation m'a tout de suite hypnotisé - malgré quelques faiblesses dans le jeu des plus jeunes - grâce à des plans et des mouvements de caméras totalement maîtrisés.


Je ne déflorerai pas grand-chose de l'histoire en révélant que ces jeunes pucelles et puceaux se retrouveront enfermés dans un petit palais de la ville de Salo, et qu'ils subiront - notamment dans la salle des orgies - les pires humiliations orchestrées par ces quatre vicelards toujours assistés de leurs vieilles vicelardes, de gardes aussi dégueulasses qu'eux-mêmes, et de serviteurs plus en retrait... Des ignominies qui se découperont en trois parties : les passions, la merde, le sang. La première m'a déjà bien écoeuré, mais alors la deuxième... Une purge psychologique que j'ai finalement mieux supporté que prévu. Et c'est aussi ça la force de ce film avec, en dehors du génie de sa mise en scène, un côté kitsch et grotesque presque dédramatisant.


Ces fascistes de la Haute donc, obsédés par tout ce qui a trait à l'anal au point d'avoir un humour de merde, se croient désormais tout permis, théorisant leurs abus et usant de la littérature comme de la philosophie sodomite pour légitimer leurs atrocités. L'esclavagisme sexuel-et-pas-que s'exécutant sous couvert de domination de classe et d'anarchisme fasciste, d'athéisme, de domination de l'homme sur la femme (et en premier lieu sur la mère) puis sur l'homme - ce bourreau devenu victime. Mais au fond, ces sales types cherchent tout simplement à atteindre le but ultime mais inconscient de beaucoup (chacun ?) : vivre tels des dieux détenant le droit de vie et de mort sur autrui (mais comme des porcs), quoiqu'ils préfèreront l'humiliation et la torture parce que c'est beaucoup plus souvent... Et parce que la souffrance ultime, c'est certainement pire que la mort. Ceci dit, ils n'hésiteront pas non plus à occire pour donner l'exemple aux fuyards.


Mais du coup, un truc m'a quand même questionné : pourquoi n'y a-t-il pas plus de tentatives de suicides ? Ne me dites pas qu'ils finissent tous par accepter, voire aimer ça ? Même de manière morbide vu que l'Eros et le Thanatos seraient si intimement liés ? Parce que, sans rien dévoiler, on se demande à chaque fois comment la suite pourrait être plus abjecte : remettant ainsi en cause le voyeurisme que nous partageons avec les bourreaux. Je me suis même retrouvé une ou deux fois à deux doigts de chialer de dégoût pour l'humanité, surtout avec d'aussi belles notes de piano, ou d'accordéon (quelle mélancolie ce morceau !), à portée d'oreilles...


Mais à l'arrivée, ce choc moral m'a fasciné, captivé autant que choqué par sa crudité et son jusqu'au-boutisme, et c'est aussi pour ça que je le note si généreusement. Parce que malgré son manque évident de subtilité, le fond demeure, à l'image de cette série de dénonciations terriblement jubilatoire au vu de l'Histoire que nous autres avons connue. Un anti-fascisme extrême et misanthrope, mais c'est aussi parce que la bête humaine le vaut bien...

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le 28 juin 2016

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RimbaudWarrior

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