Samsara
7.9
Samsara

Documentaire de Ron Fricke (2011)

Presque vingt ans après Baraka, Ron Fricke rempile avec la même équipe : Mark Magidson à la production et au montage, Michael Stearns à la musique, accompagné cette fois de Lisa Gerrard, qui après avoir concédé quelques titres de Dead Can Dance sur l’opus précédent, participe à la bande originale.


Le projet est rigoureusement identique, et semble simplement proposer de nouvelles images, toujours filmées en 70mm, sans donc céder aux sirènes du numérique qui auraient pu garantir des prises de vues d’une nouvelle définition. Un tournage sans scénario fait parcourir la planète à la recherche de plans d’exception, dans 25 pays différents, avant un long processus de montage où il s’agira de donner une dynamique d’ensemble à toute ce matériau.


Alors qu’on ressent clairement au visionnage la répétition d’une formule (jeux sur les accélérés et les ralentis, paysages grandioses, importance accordée aux rites religieux), le film ne présente paradoxalement pas une maitrise plus grande des expérimentations du précédent (et, a fortiori, de Koyaanisqatsi sur lequel Fricke était chef opérateur) : la structure est plus flottante, la compilation plus visible, et la course à l’esthétique semble davantage l’emporter sur le propos général : les time lapses sont plus élaborés (avec un appareil qui se déplace), plus longs aussi, et les plans d’ensemble plus vastes (comme ceux sur la Mecque, très impressionnants). La place accordée à certaines performances (déjà présentes dans Baraka, mais de façon beaucoup plus discrète) déplace de manière assez étonnante le propos, notamment lors d’une sorte de performance artistique déjantée et assez malsaine au cours de laquelle un homme se couvre le visage de glaise et y dessine un sourire et des yeux qui le font ressembler aux portraits torturés de Bacon.


C’est dans ces directions que l’on peut prendre la mesure des deux décennies passées : alors que la noirceur du précédent se voulait une réflexion plus générale et philosophique (la guerre, le Mal, la mort), Samsara ancre sa plainte dans des préoccupations bien plus contemporaines : la souffrance des travailleurs, l’industrie et le culte des armes, la question écologique (les cimetières de matériel informatique), la surconsommation, notamment dans ces plans assez éprouvants sur les grandes usines à viande qui font de la mise à mort une effrayante abstraction industrielle.


L’attention porté aux mouvements de foule et à leur synchronisation, comme le clip de la chorégraphie en prison, poursuivent ce regard en surplomb, cette fascination pour une harmonie qui subsiste ; même si, indubitablement, la douleur infuse davantage cette symphonie mondialisée.

Créée

le 13 nov. 2020

Critique lue 306 fois

7 j'aime

2 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 306 fois

7
2

D'autres avis sur Samsara

Samsara
Anyo
10

Permanence de l'éphémère

L'immersion totale que procure le format 70mm combinée aux prises de vues dantesques de Ron Fricke donnent le tournis. "Samsara" redonne au cinéma son sens initial, un fabuleux spectacle d'images et...

Par

le 29 mars 2013

48 j'aime

3

Samsara
Krokodebil
8

Merveilleuses constructions de l'impalpable

Difficile de revenir sur Samsara après l'avoir vu. Les milliers de plans qui défilent, la variété des objets filmés, la rapidité d'enchaînement des images et l'aspect massif de l'oeuvre sont autant...

le 28 mars 2013

36 j'aime

3

Samsara
Deleuze
9

Vingt mille lieues sur la Terre

Samsara de Ron Fricke est une longue poésie, un tableau vivant de la Terre. L’idée de passer une centaine de minutes en face d’une œuvre non verbale peut sans aucun doutes en rebuter plus d’un mais...

le 6 juin 2013

21 j'aime

13

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53