On ne vas pas se le cacher, San Andreas est un navet. En même temps, plus on étend l'échelle spatiale d'un film catastrophe, plus le résultat est mauvais. Si si, c'est une loi qui se vérifie.


Mais c'est un navet qui reflète l'idée hollywoodienne de la vertu. C'est important de le préciser, je pense que les cerveaux qui ont pondu, réalisé et produit le film l'ont fait en étant persuadés que ce film et ses protagonistes exalteraient les valeurs d'une Amérique triomphante et actuelle. Avec ça en tête, le visionnage du film devient fascinant.


On y retrouve Dwayne "The Rock" Johnson, héros américain actuel : pas blanc, mais pas noir non plus, teinté d'un exotisme de bon aloi, père de famille attentionné, courageux (c'est un pilote d'hélico sauveteur), mais qui a une blessure secrète qui lui file une grosse louse. Hé oui, Mme Rock (Carla Gugino) et lui se sont séparés, le divorce est presque signé, et c'est peu chaud pour l'ami Dwayne, heureusement qu'il a ses potos pour tenir le coup. Il aime sincèrement sa femme et ne semble pas le montrer à coup de crosse de M37 ou de ceinturon Levi's. On arrive ici à une première difficulté admirablement gérée par le scénario : on a sur le papier une famille modèle, oui sauf que pour faire un film il faut un moteur, et le plus simple, vous l'avez compris c'est qu'un couple soit séparé mais se retrouve dans l'adversité. Je spoile à mort le film, mais si vous ne le comprenez pas au bout de 10 minutes (passée l'intro où The Rock sauve une millenial un peu concon) je peux plus rien pour vous. The Rock étant un héros parfait et vertueux, il ne saurait être un gros connard qui trompe sa femme ou la bat. De même, madame n'est pas une fieffée salope, sinon le public serait dégoûté de la voir se remettre avec le héros à la fin. Il faut donc une astuce pour les séparer, et cette astuce, c'est bien sûr la blessure secrète qui fait qu'ils ne se parlent plus trop. Mme est donc partie avec Mr Fantastic, qui a abandonné le superslip en élasthane pour l'architecture, mais qui a conservé sa tête de fouine. C'est probablement le personnage le plus intéressant du film, malgré son importance très mineure, parce que c'est le seul à révéler quelque chose de différent de sa façade. Au début, il est plutôt sympa et ne prend pas mal que Mme Rock mouille sa culotte quand les 200 Kg de muscle hawaien de son futur ex-mari passent le pas de la porte, ne marque pas son territoire comme un bâtard incontinent et déclare même à miss Rockette (Alexandra Daddario) que "OK je te respecte, je respecte ton daron, wesh wesh cousine, la famille c'est sacré, alors respect j'y touche pas, respect."
The Rock avait prévu de faire du camping avec Rockette, mais boum badaboum, une grosse catastrophe s'est déclarée au Nevada, alors au boulot, tu prends ton hélico et tu vas sauver des vies, parce que tu es dévouement et sacrifice de toi, mon bon Dwayne. Sauf qu'en route, il apprend que Mme Rock est prise dans un tremblement de terre alors qu'elle déjeune avec Kylie Minogue. Que fait the Rock ? Hé oui, plutôt que de suivre les instructions de sa hiérarchie (on peut supposer qu'il en existe une), il part secourir sa femme. Gros sens des priorités mec. Mais c'est un héros américain, la famille avant tout ! Et derrière, c'est sa fille qui est en mauvaise posture, ayant été abandonnée à son sort par Mr Fantastic, qui se trouve être en fin de compte un gros fils de pute ! Note : les - rares - scènes où il apparaît par la suite sont hilarantes d'ailleurs, c'est une ordure absolue, j'imagine qu'il y avait une scène où assoiffé il vole un biberon à un bébé, mais ils ont dû la couper.
The Rock file donc de Los Angeles (où il se trouvait avec Mme) à San Francisco, où c'est l'apocalypse sismique ! Pour ce faire, il va : 1. planter son hélico sur le parking d'un centre commercial bondé. Safety first ! 2. voler une voiture (mais elle était déjà volée, sa vertu est sauve ouf) 3. échanger ladite voiture volée contre un avion à un couple de vieux (dans la vraie vie c'est du recel, mais ici c'est cool) 4. planter l'avion en pleine mer sans autre raison que de sauter en parachute dans un endroit pas adapté (un stade de baseball, alors que l'immense parking à côté est vide et dénué de lampadaires sur lesquels un parachute pourrait s'accrocher) 5. "emprunter" un bateau.
Bilan : notre pilote sauveteur a donc porté secours à deux personnes, sa femme et sa fille, ignorant les victimes au Nevada, à Los Angeles et à San Francisco. Il a aussi planté son hélico et un avion qui ne lui appartenait pas. Mais ce n'est pas grave, puisqu'à la fin on apprend que grâce aux messages paniqués de Prof Scientifique (Paul Giamatti) qui conseillait à tout le monde de fuir par tous les moyens la zone, le bilan humain est pas trop mal, en fait, on l'a échappé belle dis donc. Bon, on a passé plus d'une heure à voir des mecs se prendre des dalles de béton sur la musette, mais bon ça va quoi. Notons le courage de la production qui n'est pas allée jusqu'au concept "personne ne meurt, sauf les gros bâtards", parce qu'un film catastrophe sur la faille de San Andreas qui finit avec un bilan de 1 mort, c'était sans doute trop, même pour les ricains.


C'est fascinant, tous les actes héroïques des uns et des autres se font presque au détriment du bien général, et malgré tout, on a affaire à un véritable héros patriote (le regard sur la bannière étoilée à la fin), bon père de famille, bon mari et courageux.


Bilan : un très mauvais film, mais hypnotisant par sa vision positive d'une Amérique ultra-individualiste et par la présence d'Alexandra Daddario, son regard et son débardeur mouillé.

PanchoVilla
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le 19 déc. 2018

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