Enfant, chaque mois de décembre, ma Mère, comme un pèlerinage, m'emmenait boulevard Haussmann contempler les vitrines des grands magasins. Il faisait toujours froid et elle me tenait par la main tant pour me réchauffer que pour ne pas me perdre. C'était très joli tous ces ours, ces fées, ces automates colorés, c'était plein de lumières, d'étoiles, plein de fils plus ou moins invisibles et de mécanismes savants. C'était très joli et surtout, pour avoir bravé la froidure des Grands Boulevards parisiens et patienté devant ce spectacle déjà quelque peu désuet pour un enfant de la fin du siècle, j'avais droit à une chaude et délicieuse gaufre au sucre glace de la guérite d'en face, réconfort ultime donnant sens à toute cette expédition.
Hier soir, Edgar Wright (Shaun of the dead) m'a invité à contempler sa vitrine, au pas de charge et fermement tenu par la main. C'était plein de lettres de bandes-dessinées pour l'adaptation, pleins d'effets spéciaux très réussis pour la technique, plein de jeux vidéos et de couleurs pour l'univers rempli de personnages geeks et rock'n'roll . Qu'ils soient interprétés par des acteurs uniformément moyens importe peu, de même que l'humour trop éparse ou la frénésie d'ensemble vite fatigante, tout concourait à contenter, avec un talent certain, les enfants plus ou moins grands de ce début de siècle.
Par contre, je n'ai pas eu ma gaufre.
Pas grand chose à ce mettre sous la dent sinon la quête vidéo-ludique d'un post-adolescent qui a littéralement rencontré la femme de son rêve, et dont l'objectif d'éradication des ex de la belle permettra, à cette dernière, de soigner ses névroses, à lui, de se débarrasser du statut d'adulescent.
La morale de tout cela, attention au spoil, est d'une part que l'on ne peut faire table rase du passé, il faut apprendre à vivre avec, et d'autre part qu'un garçon adulte qui s'assume devient très gentil avec les filles.
Mouais...
Tout cela manque singulièrement de consistance.
Il faisait froid hier soir, j'ai vu une jolie vitrine, mais je n'ai eu pour me réchauffer qu'un peu de sucre glace.