Après la loi italienne qui “accordait” une peine réduite pour les meurtres commis pour défendre son “honneur” (cf. Divorce à l’italienne), Germi s’attaque cette fois-ci à un texte bien pire, abrogé lui aussi en 1981 : le mariage annule le viol & l’enlèvement aux yeux de la justice. Yay.
Évidemment, Germi a mis les deux dans son scénario, avec son talent habituel pour le pince-sans-rire qui nous fait oublier qu’on parle de crimes, que lui-même ne lésine pourtant pas à rendre durs : les émotions négatives sont fortes & prolongées, les punitions cuisantes, les atteintes à l’honneur décapantes. Ah, & les baffes nombreuses.
Même si l’on est à des années-lumière de la mentalité sicilienne, on ne peut que reconnaître ici de quoi c’est l’exagération. De cette dernière, on ne sort que pour arrondir les angles dans le goût de la caricature, que Germi aime à dispenser dans un humour de quelques secondes à la fois : un vrai compte-gouttes qui ne nous laisse pas perdre de vue les véritables tourments de la famille.
Plein de motifs, le film joue avec l’ambigu pour nous démontrer tout ce qu’il y a de risible au fait que les Siciliens disent tout le contraire de ce qu’ils pensent. Ainsi le point de départ, le viol, est dénaturé par des procédés qu’on reconnaît comme cinématographiques : l’agresseur est ce bon vieux nigaud italien qui nous rappelle Sordi, la fille est capricieuse & mutique ; c’est un divertissement, c’est vieux, c’est ailleurs, c’est pour de faux, se dit-on ; alors le viol se dissout dans les vicissitudes familiales rigolotes & théâtrales d’un Germi qui, même lorsqu’il fait mettre au commissaire sa main sur la carte d’Italie pour effacer la Sicile & dire : “c’est mieux comme ça !”, nous fait simplement rire. Pourtant la violence est partout.
Une gifle, symbole même de violence, devient presque neutre, voire drôle, quand elle vient du père pas vraiment violent, plutôt strict & bonhomme (& surtout sicilien), mais aussi, justement, le symbole de ce que Germi nous fait oublier qu’il veut dire : son scénario est rude, tourne presque en rond autour d’une famille obsédée par son honneur & ses traditions, & nous fait rire de tous les symptômes d’une profonde injustice : l’œuvre ne se contente pas, comme d’autres, de montrer le crime & l’hypocrisie avec pudeur & moquerie ; Germi la construit lui-même sans forcément la déconstruire ensuite. Il fallait être lui pour laisser entre les mains du spectateur la responsabilité morale de faire le tri.
→ Quantième Art