Un lointain visionnage, certainement incomplet, en tête, ma bonne conscience me taraudait au sujet de Seul au monde : outrepassant ma crainte d’un profond ennui, ce Zemeckis (mineur) méritait tout de même une lecture plus assidue, tant sur le fond que ses circonstances particulières de production.


Tel un Robinson des temps modernes, les pérégrinations de Chuck Noland (patronyme peu subtil) constituent un récit plus riche qu’escompté : de facto, le schéma narratif qu’emprunte le film s’avère quelque peu surprenant dans la mesure où son acte central, lié à l’île, n’empiète pas à l’excès sur tout le reste. Entendons par là que le bougre bénéficie d’une introduction fort efficace, l’intrigue s’attelant d’abord à rendre compte de la profondeur de son background : une personnalité autoritaire dans un cadre professionnel peu anodin, quitte à minimiser d’abord la sympathie du spectateur, puis un envers sentimental traité avec une belle justesse (excellent contrepoids).


L’écriture de William Broyles Jr. fait donc montre d’un certain doigté, celle-ci ne donnant aucunement l’impression de précipiter les choses : la tension liée à l’anticipation du crash fonctionne ainsi à merveille, et Seul au monde s’assure de solides bases avant même d’entrer dans le vif de son sujet. Toutefois, avec du recul, celui-ci porte-t-il vraiment sur les dessous un énième survival ? Pas si sûr. Quand bien même le cadre faussement paradisiaque de l’île occuperait la majeure partie du récit, la survie et le nouveau quotidien de Chuck seront finalement survolés : certes, l’usage d’une ellipse temporelle n’entache en rien la construction d’une telle épopée, bien au contraire, mais celle-ci s’inscrit avant tout dans la droite lignée de péripéties plutôt succinctes.


Si nous ne risquons donc pas de tourner en rond, le long-métrage pèche sur le plan de la vraisemblance des détails, un revers de médaille non rédhibitoire mais non moins patent : on songe à l’éprouvante épreuve physique qu’induit pareille mésaventure, sans compter une santé mise en danger, tandis que le bât blesse surtout à une échelle psychologique. L’iconique Wilson n’est en ce sens que partiellement exploité, un comble pour cette entité paraissant jouer un rôle de cache-misère (au risque d’exagérer) – et donc majeur dans l’évolution mentale de Chuck.


Néanmoins, comme suggéré précédemment, Seul au monde possède d’autres cordes à son arc par-delà le récit de survie : il y a bien sûr la prestation sans faute de Tom Hanks, décidément sans égal quand il s’agit de donner vie à un Monsieur tout-le-monde projeté dans l’extraordinaire, tête de file qui plus est d’un casting réduit mais très sympathique. L’alchimie le liant à Helen Hunt est de surcroît très touchante, le tandem formant un couple assimilable à un sacré vecteur d’émotion… en dépit d’un faible temps passé à l’écran : bien au contraire, le poids des espérances, de l’abandon ou encore du deuil y gagne en teneur, cimentant par la même occasion l’immersion et une ambiance variant bien les tons.


De fil en aiguille se dessine ainsi une belle leçon de vie, la symbolique brillante de simplicité de la marée dotant Seul au monde d’un regain d’âme hautement bienvenu… car assujetti aux vicissitudes d’un FedEx fort encombrant : célèbre pour son placement de produit (en échange de son aide logistique), l’historique firme de transport de fret assombri les élans sincères d’une intrigue quelque peu parasitée. Si le processus de donnant-donnant puisse tout à fait être accepté dans une industrie trustée par les gros budgets, on ne pourra que regretter que le long-métrage se montre à ce point complaisant, celui-ci préférant le traitement de faveur unilatéral (jusqu’à respecter religieusement son slogan) à une assimilation plus nuancée (il y avait matière à l’égratigner sans trop en faire).


Bref, un petit Zemeckis en bonne et due forme, à l’image d’une réalisation sage comme lisse ; heureusement, l’excellence de ses comédiens et son message un tant soit peu remuant (pour peu que l’on passe outre ce vernis grassement promotionnel) demeurent de bons motifs de visionnage.

NiERONiMO
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le 28 mars 2018

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