La démarche est intéressante puisqu'après avoir repousser les (dernières) limites du wu xia pian avec The Blade, Tsui Hark voulut le révolutionner à nouveau avec l'avènement du tout synthétique au service de sa créativité et Legend of Zu, résultat particulier mais osé. Seven Swords annoncé comme le retour tant attendu du Wu Xia Pian se redirige lui vers l'artisanal, le terrestre, le moyenâgeux, l'âpre et le rugueux. Une nouvelle piste prometteuse entre les mains de Hark toujours reconnu comme l'un des fers de lance des créatifs HK.

Et pourtant, 1000 fois pourtant, le wu xia pian qu'il délivre se détourne clairement de l'âme du maître et son audace tant attendue surnage difficilement au coeur d'un film qui n'est plus sauvage qu'aux entournures et tourne irrémédiablement vers la bouillie chinoise consensuelle et télévisuelle. Soyons clair, Tsui Hark n'est pas réputé pour être un conteur mais un créatif doué pour l'action et les envolées visuelles de toute sorte. Que ce soit les costumes, les techniques, la mise en scène, sa force, c'est sa créativité et sa connaissance de la dynamique et de l'accélération de la narration, or ici c'est tout le contraire. Une belle photo et quelques très beaux décors naturels, c'est déjà ça de pris, mais le récit qui démarre pourtant sur de bonnes bases Hargneuses et commence à installer un climat épique va se perdre dans un développement des personnages terrifiant de pauvreté et de maladresse. Tsui vient s'enfermer dans 2h30 d'héroïsme convenu et de bons sentiments mielleux tartinés de répliques philosophiques rabâchées et se permet même d'y insérer des météores hors sujet pour enfoncer le clou : qu'est-ce que cette scène de chevaux qu'on libère vient faire là !!!??? Comment ne pas être déçu devant des personnages dont le plus beau trait de caractère reste leurs épées !?
Les épées sont belles, originales, singulières, aux formes brutes et possèdent chacune leur sonorité. Elles restent la plus belle réussite de Seven Swords devant la photo et les décors. Elles sont les accessoires qui donnent un peu de vie à des personnages taillés au burin déprimant de platitude. L'un ne peut bouger qu'en faisant le fier et en tendant les bras en arrière avec un style bestial et des mirettes de chat, l'autre sourit avec son bonnet "péruvien" pour signaler qu'il est cool, Léon Lai est impassible et flasque ! le vide ! Ils doivent lancer 5 répliques consistantes à tout casser en 2h30 ! Et la moitié dans un flashback final des plus mal placé puisqu'il semble vouloir rattraper ce qui n'a pu être dit avant. Mais qu'est ce qu'ils faisaient pendant deux heures alors ???! Heureusement que Liu Chia Liang et Donnie Yen apportent un peu de charisme à ce clan de pantins. De l'autre côté, la fameuse horde de barbares promettait beaucoup avec leur faciès de malades et leurs armes post Conan le Barbare.... Tout ça, pour que les plus balèzes se fassent étriper en deux secondes dès les deux premiers combats ! Il ne reste plus dès lors qu'un bad guy mal accompagné pour transmettre une oppression ennemie, autant dire rien. Mention comique pour le caméo de Michael Wong parachuté au milieu de nulle part comme un peu tout dans Seven Swords.

Avec simplement deux combats au début qui suffiront à vous faire patienter jusqu'au final, le quotas est rachitique ! Que dire de la première bataille où 300 protagonistes sont censés mourir au cours d'un assaut alors qu'on ne voit que quelques mini duels à peine réussis à la vue du sur-découpage, des câblages qui semblent dater d'il y a plus de 10 ans et de sur-cadrages illisibles indignes de Tsui Hark. On y retrouve bien un peu du chaos poussiéreux de The Blade lors d'une première heure de bonne teneur épique qui semble faire monter la sauce, mais le récit d'une part et les combats courts et étriqués de l'autre replaquent le tout au sol.

Heureusement, le final arrive sur ses grands chevaux après une deuxième heure calamiteuse pour réveiller le spectateur la main sur l'accoudoir prêt à se lever. Beau final enfin ! Un final qui n'est plus que l'orange qui accompagne le pain au lieu du festin promis. Rappelons que la forteresse est censée être bondée de plus de 3000 guerriers mais que personne n'en verra la couleur et que les troupes restent bien sagement immobiles la plupart du temps. Quelques minutes radines offrent enfin de la virtuosité du roi de Hong Kong, et encore. Que dire de ce passage final dans le couloir qui n'est autre qu'une repompe du final de Martial Club de Liu Chia Liang (un peu normal, il est ici chorégraphe, mais tout de même) revisité à la sauce Tsui Hark ? Enfin, c'est toujours ça de pris et c'est enfin réussi. Il est temps d'accélérer jusqu'à la fin qui n'en finit pas de conclure puisqu'évidemment, il n'y a plus rien à dire.

Seven swords a bien entendu des qualités visuelles (c'est Tsui Hark quand même) mais son récit malade, s'appauvrit à chaque minute pour s'embourber dans le totalement surfait pas impliquant pour un sou, particulièrement, mais pas seulement ce serait trop facile, parce qu'il nous présente une bande de personnages qui ne sont que des ébauches de personnages alors que les 2h30 sont pourtant centrés sur eux. De simples concepts design dont l'union n'est jamais clairement transmise, qui évoluent de plus dans un monde mal installé où le danger n'est jamais palpable, où l'ennemi n'a aucun poids, où les héros vont s'enterrer dans une grotte mal dégrossie où les tenants et aboutissants deviennent rapidement rachitiques, où les approximations pullulent, où le récit s'enterre peu à peu, consciencieusement, et où finalement l'action en sort radine comme jamais.

Terminons par la musique symphonique parfois bonne, souvent simple ersatz sans vie de Legend of Zu et il n'y a plus qu'un pas pour conclure que Hero, Les poignards Volants, Tigre et Dragon, Musa (et même Bichunmoo tout à fait personnellement) offrent tous plus que Seven Swords.






Théorie parfaitement subjective (et facile aussi) du suceur de Peter Jackson :

Petit ajout pour mettre le doigt sur quelques petits détails manifestes qui me font irrémédiablement ricaner, une bonne dose de particularités et de scènes de 7 swords sont étonnament proches du Seigneur des Anneaux :
- une communauté d'origines diverses qui s'allie contre le mal et s'habille à la mode écolo du pauvre,
- une attaque de château qui ne peut que reprendre timidement un ou deux plans similaires de l'attaque du gouffre de Helm,
- des méchants sauvages aux armures bourrées de pics et de protubérances distordues en tout genre,
- une conclusion interminable qui cherche à refermer tout en cascade (sauf que pour Seven Swords, il n'y a pas grand chose à conclure),
- des paysages extra larges de sommet de montagne enneigée, de grotte et de plateau nu, constats assez logiques et propres au genre je vous l'accorde.

De simples coïncidences me direz vous. Ok, en voici d'autres plus corsées :
- le lâcher de chevaux et de l'étalon en particulier qui fait notoirement écho au passage à l'entrée de la Moria où Sam Gamji dit adieu à son poney Bill,
- Le plan en contre plongée de l'épée plantée sur un flanc de montagne enneigé qui rappelle furieusement celui de l'anneau laissé tombé par Frodon dans la neige et vu avec la même contre plongée lors de la route vers la Moria. L'épée est d'ailleurs aussi une réplique beaucoup plus grande pour accentuer sa présence imposante, tout comme l'anneau...

Allez, on va pas s'arrêter en si bon chemin, en voilà deux autres (merci Oli) :
- la fuite de nos héros avec toute la populace dans des décors assez nus pour aboutir à un arrêt de cette fuite et la mise en place d'un camp dans un lieu équivalent à une impasse, avec les femmes et les enfants planqués au fond des grottes.
- Et pour finir, comme dans le Retour du Roi, la pause camping et pique nique qui aboutit au départ du héros principal (donnie yen vs Viggo Mortensen) pour une quête annexe ultra dangereuse, avant le final et les retrouvailles...
drélium
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le 4 nov. 2010

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drélium

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