Mon père, ce salaud de Mandarin...

Que Marvel opère un virage prononcé vers le film (familial) de genre, ça n'est pas une surprise. C'est pourquoi j'étais très curieuse de découvrir cette surprenante association de "super-héros " avec du kung-fu et une pincée de folklore chinois. Si le cinéphile ultra pointilleux blasé criera au scandale, le résultat demeure plus que convenable : c'est une belle réussite ! A condition qu'on considère ce film comme un pur divertissement. Car pour ce qu'il apportera au MCU, beaucoup de questions demeurent, sans la moindre ébauche de réponses. Mais comme la phase IV ne fait que commencer, nul doute que ces réponses ne se feront pas trop prier.

Alors oui, ça commence par un drame familial, précédé d'une jolie et fugace histoire d'amour. Le vilain de l'histoire, le vrai Mandarin (celui qu'on avait découvert à travers les trais d'un comédien dans Iron Man 3), un homme avide de pouvoir que l'Asie a connu sous bien des noms, aidé d'un artefact qu'il a volé dans une tombe ou trouvé dans le cratère d'une comète... Le Mandarin a vécu un tas de vies, en veut toujours plus jusqu'au jour où il découvre un monde enchanté (une dimension parallèle ?) et une femme qui lui file une déculottée. Les deux guerriers s'affrontent. La force corrompue, brute et avide face à la maîtrise de la nature et des éléments, la grâce, la beauté... Deux enfants naissent avant le drame... L'aîné, Shang-Chi, doit suivre les pas de son père mais préfère filer en douce, abandonnant sa jeune soeur, pour fuir cette vie et ce passé devenu comme un boulet.
Dix ans plus tard à San Francisco, devenu Shawn et bossant comme voiturier, le destin va le rattraper et les retrouvailles avec sa famille vont faire des étincelles. Fou de douleur et inconsolable, le Mandarin a un plan pour récupérer sa promise, pourtant morte et enterrée. Sa progéniture va se retrouver confrontée à l'impensable...

On pourrait crier que c'est du réchauffé sur la plan de l'intrigue. Oui mais non. Dans le MCU, on n'avait encore jamais traité ainsi, avec beaucoup de justesse, le cas d'une famille dysfonctionnelle avec le père tyrannique qui impose un chemin peu louable à ses enfants. Et les enfants qui vont devoir "corriger" le tir et tenter de stopper la folie meurtrière du patriarche.
Mais Shang-Chi c'est bien plus que cela. C'est un condensé de ce que le cinéma asiatique nous a offert de mieux depuis des décennies. Les hommages et les références pleuvent, impossible de toutes les lister. Et le casting est vraiment au top, rien à redire ! J'ai adoré les chorégraphies de combats dansantes et exécutées avec une précision limite chirurgicale. On a déjà beaucoup parlé de la scène du bus et de celle de l'échafaudage, elles sont complètement démentes et magnifiques à suivre.

Enfin, l'un des aspects qui m'a le plus séduite, c'est cet autre monde légendaire d'où la mère de Shang-chi est originaire. Une sorte de dimension parallèle qui m'a beaucoup fait penser au K'un Lun d'Iron Fist (y a-t-il seulement une connexion, même infime ?). Talo, cette contrée absolument onirique où le folklore chinois est roi. Mon seul bémol serait que cette partie est un peu trop vite survolée. Toutefois, on en prend plein les yeux, les paysages sont grandioses et la communauté qui y vit depuis des lustres attire d'emblée la sympathie. Comment ne pas parler de Marcel, cette créature indescriptible qui s'est échappée de là pour retrouver Trevor, comédien et anciennement interprète du Mandarin face à Iron Man. Libéré de prison par le vrai Mandarin, il est devenu son bouffon et survit en déclamant du Shakespeare dans le repaire du despote. Trevor et Marcel sont devenus amis et le duo fonctionne à merveille. Tout comme celui formé par Shang-Chi et son amie américaine, collègue et compagne de karaoké (qui se révèle courageuse et douée avec une arme), Katy. Un binôme agréable à voir à l'écran avec un humour présent mais pas lourdingue.

Oui, ici tout est question de dosage et d'harmonie. J'ai trouvé que l'ensemble reposait sur beaucoup de finesse, de maîtrise, de poésie. Le résultat est tout bonnement bluffant, magique, punchy, féérique, épique quand il le faut (rha, ce dragon !) et humain. Alors oui, Shang-Chi n'est pas le plus populaire des super-héros Marvel, il n'a pas un vrai costume etc... mais il semblerait qu'avec l'appui d'un certain Wong, l'acolyte sorcier de Dr Strange, le destin de ce guerrier au coeur pur (et de sa compagne) soit voué à connaître de grands chambardements dans un avenir proche.
Perso, j'achète et j'en redemande ! Pour moi, c'est à ce jour l'un des meilleurs Marvel, une déclaration d'amour à un gros pan de la culture asiatique, un mélange des genres, bref, beaucoup de potentiel !