12 ans après, voici enfin un nouveau film Godzilla (abstraction faite de la nouvelle version américaine). Il me semble que jamais autant d'années n'avaient séparé 2 épisodes.
Nous avons ici Hideaki Anno (Neon Genesis Evangelion) à l'écriture et à la réalisation, secondé dans ce dernier domaine par Shinji Higuchi (les 2 adaptations live d'Attack on Titan). Il s'agit du premier reboot total de la franchise, car jusqu'ici tous les films faisaient au minimum office de sequel à l'original de 1954. L'humanité n'a jamais eu à faire à Godzilla au début de SHIN GODZILLA.
Le nouveau look du Roi des Monstres est terrifiant, c'est littéralement une horreur née de l’énergie nucléaire. Jamais Godzilla n'avait été si inquiétant.
Le film est profondément politique, probablement le plus politique de la série. La bureaucratie japonaise est tournée en ridicule tout au long du métrage, avec des politiciens carriéristes incompétents castrés par la peur des médias, soumis au gouvernement américain et incapables de prendre les décisions qui s'imposent pour le bien de la nation. De l'autre côté on nous montre que les gens efficaces qui savent de quoi ils parlent - les vrais talents courageux -, émanent du peuple, bien loin de tous les "experts" incompétents accrédités par le pouvoir. SHIN GODZILLA est une œuvre foncièrement populiste et nationaliste, et l'occupation américaine, qui n'a jamais cessée depuis 1945, y est radicalement dénoncée.
SHIN GODZILLA contient une des plus belles scènes de toute la série: une fulgurance poétique d'une puissance incroyable comme seul le Kaiju Eiga peut offrir, transcendée par la musique mortellement belle de Shiro Sagisu (Neon Genesis Evangelion, Bleach, Evangelion 1-3.0). Malheureusement cette parenthèse surnage au milieu d'un film un brin trop bavard, qui échoue à imposer des personnages attachants. Et malgré quelques scènes de destruction à l'ambiance pesante et désespérée, l'aspect horrifique se limite finalement au design de Godzilla. Certains épisodes de la saga étaient bien plus sombres.
Avec sa musique sublime, son propos politique salvateur, ses moments d'une rare puissance évocatrice, mais ses personnages transparents et ses scènes de bureaux perpétuelles (quand bien même porteuses de sens), SHIN GODZILLA constitue une petite déception. Un peu moins de conférences, un peu plus de dinosaure atomique, et on tenait un très grand Godzilla. Au final on se contentera juste d'un bon Godzilla.