Après un « Moonlight » entier et prometteur, Barry Jenkins se vautre lourdement dans le cinéma aseptisé pour oscar conformiste. Dans la check list du film à trophées, « if Beale street could talk » vise clairement le high score :
Adaptation d’un roman salué par la critique, abordant sans aucun risque un sujet historico-politique auquel tout le monde ne peut qu’adhérer. Un formatage pour succès de tous les instants : ultra démonstratif, recours à la voix off quand on est incapable de montrer par l’image, chorégraphié, récité, figé, mielleux, mièvre, personnages fonction au manichéisme absolu (mention spéciale au flic, à la belle famille, à la sœur, au paternel, au loueur "d'appartement", à la marchande, à l'ancien pote...), gros plans bien éclairés sur de (très) jolis minois appuyant chaque moment cathartique, story telling linaire présent/passé/présent/passé… impressionnant de balisage ! L’esthétisme est certes saisissant mais l’argument est malheureusement bien trop maigre pour justifier une énième adaptation sur ce sujet.


Bref, c’est bien dommage de vendre sa personnalité artistique au diktat du ciné commercial, surtout quand on a suffisamment de talent pour faire un vrai film. Si ses deux métrages ont en commun un magnifique éclairage et une photo profonde et élégante, Moonlight avait pour lui une forte personnalité, des partis pris de mise en scène risqués (notamment la scène d’ouverture aux mouvements de caméra épileptiques), des ellipses temporelles riches et toujours à propos… Autant d'atouts que "If Beale street could talk" a troqué pour des facilités en tout genre. D'un film très moyen on passe vite au film très irritant.


PS : Barry, si tu veux me faire croire à une grossesse, essaye de faire en sorte que le ventre fécond soit synchrone avec le corps de la mère, et prends le temps de mettre un cordon ombilical sur le gosse pour l'accouchement, ça coûte pas grand-chose et j’aurais moins l’impression que tu me prends pour un con.


Bon sinon, pour ceux qui n’ont pas encore marre des films sur le racisme afro-américain, Solveig Anspach l’aborde dans un chouette documentaire « Made in the USA » en ayant le mérite de proposer un point de vue vraiment extérieur aux US. Sinon vous pouvez piocher aléatoirement dans la filmo de Wong Kar Wai, sur le fond et la puissance sentimentale, ça sera toujours mieux que cette pâle copie.

DannyMadigan
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le 5 févr. 2019

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Paul Clerivet

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