Beau polar mais pas le chef-d'œuvre espéré

Il me tardait de voir Sicario, polar percutant qui avait réveillé tous les festivaliers à Cannes, et surtout, dernier long-métrage du canadien Denis Villeneuve qui, après des films comme Prisoners et Enemy, est en train de devenir le nouveau spécialiste du thriller sombre et audacieux à Hollywood. Alors que vaut vraiment Sicario ?


Le film s'ouvre sur une scène d'introduction soufflante, d'une violence inouïe, avec pour fond sonore une musique redoutablement efficace de Jóhann Jóhannsson, maintenant une grande tension qui perdure d'ailleurs sur toute la durée du métrage. Formidable ! Seulement voilà, deux heures après, Sicario se termine en me laissant légèrement sur ma faim. Malgré tout ce suspense, cela ne m'a pas semblé aussi transcendant que ce que l'on pouvait espérer en voyant la bande annonce (celle-ci pose problème par ailleurs, nous y reviendrons plus tard).


Mais commençons tout d'abord par évoquer les points positifs et Dieu sait qu'ils sont nombreux ! En plus de s'imposer comme le nouveau maître du thriller, Denis Villeneuve est en voie de devenir un des meilleurs filmeurs à Hollywood, avec Michael Mann et David Fincher. Quelques mois après le Mad Max: Fury Road de Georges Miller qui renouvelait le cinéma d'action, le cinéaste canadien nous livre une réalisation tout aussi éblouissante, magnifiée par une photographie de Roger Deakins (chef opérateur attitré des frères Coen notamment) qui frôle souvent le sublime. Ainsi, les poursuites, assauts ou autres plans aériens (ceux-ci particulièrement) sont parfaitement cadrés et feraient presque passer la deuxième saison de True Detective pour de sympathiques épisodes de Derrick.


Quant au casting, encore une fois, rien à redire ! Emily Blunt, Benicio Del Toro et Josh Brolin, qui n'ont évidemment plus rien à prouver, sont très justes dans leur interprétation... Donc pour résumer, nous avons là un film d'action qui n'aurait sans doute pas volé un prix de la mise en scène à Cannes (je n'ai pas encore vu le Hou Hsiao-Hsien), tant il est remarquable en termes de tension, de réalisation et de direction d'acteur.


Maintenant passons au principal soucis de Sicario : son scénario, somme toute assez banal. Il est question d'une unité d’élite traquant les cartels de narcotrafiquants à la frontière américano-mexicaine. Sans cesse confronté à des dilemmes moraux, le personnage d'Emily Blunt, sidéré par les méthodes brutales employées par ses collègues, se perd au milieu d'événements qui la dépassent complètement. Le film reposant presque entièrement sur son point de vue, on se sent nous aussi un peu perdu. Certes, l'idée peut paraître intéressante, mais on s'attache difficilement à cette intrigue confuse, peu évidente en termes d'enjeux dramatiques et un poil décevante dans sa résolution.


Enfin, il est important de revenir sur la bande annonce qui, à mon avis, dévoile beaucoup trop d'images et d’éléments de l'intrigue, notamment certains rebondissements importants qui ont lieux vers la fin du long-métrage (c'est pour cela que j'ai préféré vous présenter un simple extrait en fin d'article). Donc si vous souhaitez absolument voir Sicario, je vous conseille fortement d'éviter tout trailer... Bref, passons.


En somme, voilà un thriller formellement sublime et hyper bien exécuté qui, malheureusement, faute d'enjeux dramatiques assez faibles et pas toujours très clairs, ne me marquera pas autant qu'un Prisoners par exemple (histoire de comparer avec un autre film de Villeneuve)... Bon aller, je met quand même 7/10 et je vous le recommande, surtout si vous êtes amateur de polars tortueux (ou de beaux cadrages).


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Amaury-F
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le 11 oct. 2015

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Amaury F.

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