Difficile d'imaginer une suite au chef-d'oeuvre magistral de Denis Villeneuve que je viens pour le coup de revoir. Difficile d'imaginer qu'on pourrait atteindre de nouveau à un tel degré de tension et de gravité dans le genre, de raidissement et d'effroi dans le désenchantement, d'intelligence dans la mise en scène des relations retorses entre gouvernements et trafiquants. Difficile de vouloir renoncer à cette terre des loups bleue aux couleurs du couchant, à une photographie magnifique, à un thème musical obsédant, à un shoegaze étouffant, qui distille une violence froide. The Border line mexicaine. S'y jouent, dans des lignes qui changent sans cesse, des vengeances individuelles qui rejoignent des raisons d'Etat sous des semblants de justice que cautionne le moins pire à défaut du pire. Difficile, d'autant que le spectateur désillé dans sa candeur n'a plus besoin d'Emily Blunt (remarquable), d'autant que ce n'est plus Villeneuve derrière la caméra. Pourtant, cette suite, ou plutôt cet épisode transitoire, sans atteindre l'excellence du premier, est très réussi. Plus agressif, plus brutal, moins subtil, il reforme le duo Brolin-Del Toro, moins ambigu, plus humain, pour une autre mission de désordre. Le scénario est toujours de Taylor Sheridan, et si l'on se demande où la scène inaugurale (glaçante) d'un attentat djihadiste dans un supermarché américain va le mener, on comprend vite que la question bouillante des extrémismes religieux et celle tout aussi brûlante des territoires et du commerce humain sont légitimes à la frontière mexicaine. Il parvient à dramatiser une action à "La Guerre des cartels n'aura pas lieu". Solliman, pour sa part, qui succède à Villeneuve, connait bien les sociétés modernes et le crime organisé. Malgré une fin un peu romanesque voire rocambolesque, c'est un bon épisode. L'on s'attend d'ailleurs à ce que la jeune Isabel Reyes, fille d'un chef de cartel, et Miguel, jeune américain d'origine mexicaine et apprenti sicario (deux jeunes comédiens lumineux) soient au coeur d'un troisième volet. Del Toro moins dense, moins sombre, devient en quelque sorte le héros central ; Brolin toujours aussi nonchalant a troqué ses tongs contre des crocs.

Sabine_Kotzu
7
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le 9 avr. 2020

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Sabine_Kotzu

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