Que dire sur ce film si ce n’est que j’ai été très agréablement surpris par la richesse et la finesse du récit. Derrière une histoire plutôt simple au demeurant (une actrice vieillissante qui se prépare pour un rôle important), Olivier Assayas aborde en effet de nombreux sujets. Certains relativement faciles à appréhender comme par exemple la remise en question d’une femme quarantenaire au moment de travailler avec une nouvelle génération de réalisateurs et de comédiens. Et d’autres plus subtils tels que le rapport particulier au désir, fait de domination et de soumission. Ou encore la représentation du métier d’actrice à travers plusieurs points de vue, et différentes époques.

Ce dernier point rend d’ailleurs la frontière entre fiction et réalité extrêmement friable tout du long étant donné qu’il existe un lien étroit entre ce que les actrices représentent pour nous dans la réalité, et ce qu’elles véhiculent dans le film. Surtout en ce qui concerne Kristen Stewart au vu de son parcours cinématographique, et du chemin parcouru pour en arriver là. Mais aussi Juliette Binoche qui entretient avec son personnage des similitudes troublantes. Certains dialogues font, dès lors, indéniablement écho à la réalité, ce qui insuffle une réflexion intéressante sur la profession, et notamment sur le système hollywoodien. En proposant ainsi plusieurs niveaux de lecture, le long-métrage se révèle du coup particulièrement passionnant, et ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à une véritable mise en abyme, ou un film dans le film si vous préférez. Cependant, aussi captivant soit-il, le film n’évite tout de même pas quelques petites longueurs. Rien qui empêche en définitive d’apprécier l’histoire, et l’aspect réflexif qui la caractérise, mais le rythme du récit en pâtit inévitablement.

Mais au-delà de la richesse de son récit, le long-métrage peut également s’appuyer sur un formidable casting, en particulier Juliette Binoche et Kristen Stewart qui forment un duo absolument remarquable. La première incarne à merveille cette actrice amoureuse d’un cinéma qu’elle ne reconnaît plus, et qui remet en cause son talent au contact de la nouvelle génération. Tandis que la seconde est désarmante de naturel dans la peau de Valentine, son assistante, une jeune femme dont l’influence sur l’actrice grandi au fur et à mesure. Au point de se demander finalement si la relation qui unit les deux femmes est toujours d’ordre professionnel. Là encore, les personnages et les rôles qu’ils interprètent pour répéter la pièce se confondent en permanence, stimulant ainsi la réflexion autour de la question du désir et du métier d’actrice. Enfin, Chloë Grace Moretz représente de manière plutôt convaincante la génération d’actrices tant dépréciée par Maria. Des actrices plus connues pour leurs frasques en dehors des plateaux que pour leurs performances dramatiques. Leur conception diverse de la profession, ainsi que leur différence d’âge, combinées à la perception personnelle de Valentine, installent une des réflexions les plus intéressantes du film tout en renvoyant inéluctablement à la réalité. Si le film est aussi fascinant, c’est essentiellement grâce aux actrices, qui ont absolument tout compris à son sujet, et qui parviennent à retranscrire toute sa force à l’écran. Au contraire du réalisateur qui ne nous gratifie pas forcément d’une mise en scène éclatante.

Sans avoir l’air d’y toucher, Sils Maria suscite donc de passionnants questionnements, liés autant à la multitude de sujets abordés qu’aux nombreux niveaux de lecture proposés. Pas exempt de quelques baisses de rythme, le film peut néanmoins s’appuyer sur des actrices exceptionnelles et un scénario subtil pour captiver le spectateur pendant près de 2 heures. Le genre de réalisation qui ne plaira certainement pas à tout le monde mais qui a le mérite de faire réfléchir.
Wolvy128
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le 22 août 2014

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