Critique effectuée sur la version originale italienne, divisée en deux films.


A l'annonce de ce prétendu biopic sur Silvio Berlusconi par Paolo Sorrentino, on aurait pu s'attendre à une charge féroce contre cet homme politique qui a mené l'Italie à une grave crise économique.
Mais, contre toute attente, on sent un regard presque clément, avec une vie qui consiste à remplir du creux avec du vide, et inversement.
Disons que ce qu'on voit est la partie qu'on imagine le plus quand on pense à Berlusconi, à savoir les fêtes délurées avec des filles (à peine) majeures, où l'argent se dépense sans compter, et où le sourire figé du Cavaliere s'affiche sans arrêt, alors qu'à ce moment du film, aux alentours de 2006, il s'apprête à devenir président du Conseil, et donc s'ennuie.


Le film ne se concentre au fond que sur ces quelques années, avec très peu de politique si ce n'est pour la tourner en dérision, mais avec une charge terrible contre les Italiens, à l'image de cette introduction formidable où un mouton rentre dans une maison, et voit sur un écran un jeu télévisé débile. Pour au bout du compte mourir sur place, sans doute effarée par la bêtise de ce qu'elle a vu.
Comme je le précise, j'ai découvert la version originale, où, en Italie, il y a deux films de près de 1h40 chacun, et dont le réalisateur a ramené le tout à un seul long-métrage pour son exploitation internationale, coupant plus de 50 minutes.


Grosso modo, il y en a pour plus de 3 heures, mais je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, car je mets les points sur les i, c'est un film formidable. C'est déjà très impressionnant au niveau de la mise en scène, avec une caméra qui semble capturer ce que l'Italie a de plus beau et de plus vulgaire avec ces fêtes orgiaques et ces corps qui se dénudent à l'envi. D'ailleurs, Berlusconi arrive après une heure de film, après avoir suivi les péripéties d'un homme qui veut attirer son attention afin de devenir sénateur en organisant près de la maison du Cavaliere des fêtes délirantes où les maillots se détachent très vite.


Ensuite, on suit en particulier le futur président du Conseil, interprété de manière magistrale par Toni Servillo, avec son sourire qui parait faux, son bronzage qui lui donne ce teint hâlé, et ses dents si blanches, aussi artificielles que ses cheveux. C'est le portrait d'un homme qui s'ennuie, qui est en crise avec sa femme qui se fiche des cadeaux démesurés qu'il lui fait, qui batifole avec des jeunes femmes qui pourraient être ses petites-filles, et qui contrôle mine de rien l'Italie des médias. Avec une scène hallucinante où il place certaines de ses protégées, absolument pas actrices, dans des films misérables, dont un faux biopic sur Lady Diana.... qui se fait toucher les seins par un tout petit garçon noir !


Il y a quelque chose du roi Lear dans la vision de cet homme au fond tout-puissant, qui est entouré de lèches-bottes, très sûr de lui au point de presque faire acheter un appartement à une femme choisie au hasard dans le bottin, mais au fond de seul. C'est un peu le sens du titre original Loro ; il y a Silvio et les autres.
D'ailleurs, la morale de cette histoire sera quand il emmène une jeune femme dans une chambre, mais quand il lui demande de parler en toute franchise en voyant sa tristesse, elle lui dit qu'il a la même haleine que son grand-père, le rendant plus pathétique qu'autre chose.


Quelque part, il y a un délire proche du Loup de Wolf Street où la baise (pas le sexe) est affichée sans arrêt à l'écran, avec ces tas de jeunes femmes dénudées, souvent dans un but bien précis (être la favorite du vieux briscard), mais Silvio et les autres est au fond l'histoire d'un homme sans couronne, dont on ne sait au fond guère plus de choses après qu'avant avoir vu les films, qui est même un mystère pour sa femme. D'ailleurs, quand elle l'engueule pour savoir d'où vient son argent lui ayant permis d'être riche, il dit exprimer son droit au silence pour ne pas répondre.


A mes yeux, c'est un film très impressionnant, d'un visuel qui m'a laissé pantois, et qui au fond, à l'image du tremblement terre survenant au moment où Berlusconi (re)devient président du Conseil, montre une Italie exsangue, avec ces gens qui ont l'air de crever de faim, et où seule compte le sexe et l'apparence.
Heureusement qu'en France, nos politiques sont suffisamment intègres pour que le cinéma ne s'intéresse pas à eux, on a eu chaud...

Boubakar
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le 26 mars 2019

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Boubakar

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