Histoire du film :


Grâce aux succès commerciaux de « Le Masque du démon » en 1960 et de « Les trois visages de la peur », en 1963, Bava obtient un certain contrôle créatif pour son film suivant, « Six femmes pour l’assassin ». En tant que production Italiano-Allemande, le film était censé être un film de commande basé sur les nouvelles d’Edgar Wallace, très en vogue à l’époque en Allemagne, en effet ce sont sur les œuvres de cet auteur que de nombreux films allemands à intrigues policières de l’époque, appelés « Krimi », souvent basés sur les intrigues de Wallace. Mais Bava veut déjà s’affranchir du genre du « whodunnit » et décide alors de déconstruir les codes du genre, donnant par exemple plus d’importance aux scènes de meurtres, plus longues et stylisées, et aux scènes de sexe, qui étaient sous entendue auparavant. Le film est tourné de novembre 1963 à janvier 1964 à Rome pour le budget dérisoire de 150000$. Bava a plusieurs fois dû improviser pendant le tournage pour obtenir les plans qu’il souhaitait, utilisant des engins et autres machines de fortunes pour réaliser des plans de grues notamment.
Le film sort en Italie le 14 Mars 1964 et le 7 Avril 1965 aux USA, en Italie c’est un échec financier, il ne remporte que la moitié de son budget. En RFA c’est un succès modeste, mais il a fortement marque le cinéma Ouest-Allemand en convaincant les réalisateurs de filmés leurs Krimis en couleur. Le film aura des problèmes avec les producteurs qui finalement trouveront le film trop violant, ainsi la maison de production AIP décide de ne pas le produire malgré les succès commerciaux qu’a engendré Bava dans sa carrière. Le film sera finalement produit par les frères Woolner pour certaines conditions. Pour ce qui est de l’accueil critique, il est plutôt mitigé à sa sortie, acclamé pour son visuel et la réalisation de Bava, mais démonté pour les performances des acteurs et sur le script, jugé déjà-vu. Mais le film est rapidement réabilité comme étant un film fondateur pour le giallo et un des films majeurs de l’âge d’or de l’horreur Italienne. La mise en scène, le style, la photographie, le mélange d’érotisme et de violence sont considéré aujourd’hui comme visionnaire pour l’époque. Le film est même considéré par certains spécialistes comme un des thrillers les plus influents jamais tournée. Il est également considéré comme étant le premier film « body count », genre de films d’horreur uniquement basés sur les meurtres qui sont très nombreux, ainsi qu’une pierre angulaire du cinéma d’horreur en général, fondateur du giallo et du slasher Américain.


Analyse :


L’action du film se situe dans une maison de haute couture qui a pour cadre un petit château appartenant à la Comtesse Como, également directrice de l’atelier de haute couture. Elle est associée à un homme s’occupant de l’aspect administratif, Max Moriachi. Un jour les ennuis commencent, un mannequin est retrouvé tuée.
Bava reprend les bases des deux films qu’il a réalisé en 1963, (« Les Trois Visages de la Peur » et « La Fille qui en savait trop »), il utilise notamment ce qu’il a expérimenté dans « Les Trois Visages de la Peur » sur les couleurs pour se lâcher dans ce film. On y retrouve les éléments qui définiront le giallo, tueur masqué et ganté, meurtres, jolies femmes et whodunnit. Cependant, contrairement aux autres whodunnit de l’époque, Bava ne s’intéresse que très peu à l’enquête et se concentre sur les meurtres, qui sont six, tous différents et très inventifs. L’atmosphère du film est amplifiée par le fait que ce soit un huis-clos, on reste la plupart du temps dans le château, là où ont lieu les meurtres, le temps est toujours apocalyptique à l’extérieur ce qui permet à Bava de se justifier de condenser tout son récits à l’intérieur, des décors d’intérieur très travaillés, très colorés, des jeux de lumière fous qui donnent une ambiance fantastique, fantasmagorique. Le look du tueur est vraiment précurseur, vêtu d’un imperméable noir, ganté, masque sur le visage et chapeau, ce look mythique sera réutilisé à différentes sauces dans de nombreux autres gialli par la suite. Le film est également assez érotique, autre élément récurrent des gialli, le mélange érotico-gore dans toute sa splendeur. Les meurtres sont ultra stylisés, certaines armes utilisées sont devenues culte avec le temps, un gant avec des griffes notamment, on trouve très probablement avec ce film al source d’inspiration du « Suspiria » d’Argento. En terme de mise en scène, c’est du grand art, Bava joue avec son décor avec beaucoup d’ingéniosité, nous faisant scruter les recoins de l’écran, par peur de voir surgir le tueur, par des hors-champs, des miroirs, des escaliers, avec les perspectives, ce qui créé une ambiance terriblement angoissante qui terrorise à la fois le spectateur et les personnages.
En avance sur son temps, Bava définit donc en long et en large le genre du giallo dans son « Six femmes pour l’assassin » tout en édifiant déjà les bases du slasher américain. La chorégraphie des meurtres, le jeu vertigineux des lumières et des couleurs font de ce film un des films phares du cinéma Italien, un film expérimental majeur qui aura notamment grandement influencé Argento et les gialli à venir. Si à l’époque de sa sortie, le film ne connut pas le succès, c’est bien qu’il était trop en avance sur son temps justement, la violence extrême et l’érotisme du film ayant déconcerté le public et la critique. Ce n’est que plus tard, lorsque le giallo est devenu un genre majeur du cinéma d’horreur mondial que « Six femmes pour l’assassin » connu la réputation qu’il mérite, celle d’un film précurseur de tout un pan du cinéma d’horreur

Zampano56
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le 22 déc. 2018

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