Je est un autre

Résumé:
L'histoire de Sky crawlers prend place dans un monde alternatif et anachronique où règne une paix mondiale. Cependant, pour donner un véritable sens à cette "paix" et tromper l'ennui d'une population en manque de sensationnalisme, deux firmes militaro-industrielle (Rostock et Lautern) se livrent à travers le monde une guerre continue et dépourvu d'enjeux, si ce n'est que de divertir la populace.

Le personnage principal Yuichi Kannami, est un pilote émérite qui se voit affecter dans une nouvelle base de la compagnie Rostock. Comme la majorité des pilotes, il est ce qu'on appelle un "Kildren", un être génétiquement modifié aux allures d' adolescent qui ne vieillit jamais, mais peut néanmoins être tué.
Une fois ayant prit ses repaires, il se rend au bureau de son supérieur, le commandant Suito Kusanagi, une jeune femme froide et austère qui curieusement, fait face à l'usage habituel de sécurité en lui refusant de rencontrer le pilote Kurita Jinroh, que Kannami est sensé remplacer.
Face à ce refus, les questions vont alors commencer a assaillirent notre héros, concernant l'ancien pilote: Qui est-il? Est-il vivant ou mort? A-t-il disparu?

Des questions, qu'il n'aurait fallu peut être...jamais évoquer.

Critique: Dans le cinéma d'animation, les films de Mamoru Oshii font piètre figure face à la présence d'imposantes institutions tel que Disney, Pixar, Dreamworks et les studios Ghibli pour ne citer qu'elles.
D'autant plus que ses films n'ont rien pour plaire et tout pour déplaire. En effet, en comparaison aux standards imposés actuellement aux spectateurs, Mamoru Oshii semble nager complétement à contre-courant.
Voilà un réalisateur de films d'animation qui ne s'adresse pas du tout au jeune public, utilise la thématique de la science-fiction pour en fait, aborder des questions d'ordres métaphysiques et existentialistes tout en y imposant un rythme lent et contemplatif, et se permet en plus d'occulter tous les ingrédients nécessaires à une oeuvre commerciale tel que les sentiments, l'humour, l'action (elle est bien présente, mais à petite dose), le manichéisme habituel et j'en passe... Tout pour plaire, me direz-vous ! :)

Suite à ces partis pris, bien des réalisateurs se retrouveraient sans ménagements au chômage. Mais c'est précisément grâce à ces partis pris, qu'une partie de fans (dont votre serviteur), disséminés à travers le monde, considèrent Mamoru Oshii comme un géant du cinéma et un auteur complet. Et c'est également pour cela, que cet "outsider" de l'animation est toujours présent dans les coulisses du septième art.

J'admets absolument l'efficacité et le savoir faire des studios cités plus haut...mais je leur préfère le vieux "ronin" pour son audace, sa témérité et son déterminisme a imposer une vision originale et personnelle à un public qu'il faut sans cesse caresser dans le sens du poil. D'autant plus, que ses oeuvres repoussent les limites du cinéma d'animation.

Sky crawlers est une adaptation filmé d'un roman éponyme, appartenant à une série de six volumes écrit par Yukio Mishima. Contrairement à ses précédentes adaptations, les deux opus Ghost In The Shell et les deux Patlabor, Mamoru Oshii reste cette fois très fidèle au roman original.
Pour l'approche visuel de son film, Oshii décide d'employer deux techniques d'animation. Les personnages, les décors et les séquences se déroulant au sol, sont en 2D. Les avions et toutes les séquences aériennes sont en images de synthèse, extrêmement bluffante de réalisme d'ailleurs. Je rajouterais que la combinaison des deux techniques, fonctionne très bien.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur quelques détails qui me semblent intéressant de mentionner (surtout pour les fans endurcis). Il y a une sorte de "déjà-vu" qui plane tout au long du film. Des "clins d'oeil" référentiels notamment concernant le nom du commandant Kusanagi et de son physique qui n'est pas sans rappeler celui du major dans Ghost In The Shell. De même que pour le patronyme (Jinroh) du mystérieux pilote que Yuichi Kannami est sensé remplacer. Patronyme qui nous renvoie a un film d'animation scénarisé par Mamoru Oshii, mettant en scéne sa brigade de prédilection: Les Kerberos Panzer Cops. Et pour conclure, il y aussi les décors où se promènent Kusanagi et Kannami lors de leur permission, qui ressemblent étrangement aux décors Polonais du film live Avalon. Des "clins-d'oeil" qui appuient une sensation de métempsychose.

Le film Sky Crawlers s'inscrit comme une oeuvre emblématique dans la filmographie d'Oshii. En effet, dans plusieurs interviews, le cinéaste admet se sentir déstabilisé et touché par la vague croissante de suicides au prés de la jeunesse nippone. Suicides causé par un manque de repères, une perte d'engouement pour une vie devenue monotone et qui n'a plus rien à offrir.
Face à ce mal-être ambiant, c'est cette incompréhension qui pousse le réalisateur a proposer Sky crawlers dans le but de délivrer un message à cette jeune génération et surtout à sa propre fille. Il en résulte un poème visuel somptueux et envoutant, une oeuvre profonde et dense qui pousse à la réflexion et nous oblige a mieux regarder !! Car actuellement, nous ne regardons plus les films...NOUS LES CONSOMMONS !!

Le cinéaste japonais rétablit notre regard, et c'est alors que des gestes aussi banales que "replier un journal" ou "briser une allumette" prennent tout leur sens à la dernière séquence du film...se situant après le générique de fin.