Où l'on apprend que l'esprit domine la matière.

On assiste à une sorte de maturité du film néo-espionnage-action : avec un réalisateur "auteur" aux commandes, et un acteur principal qui a fait ses preuves en tant qu'interprète, le tableau est posé. Ce Bond sera le post-Bond des Bond.

On en ressort avec une saveur inattendue dans la bouche. D'abord la qualité remarquable (que l'on voit, je veux dire) des interprètes, dont Javier Bardem qui donne vie à un vilain qu'on oubliera pas de si tôt. Mais ensuite l'impression d'avoir pu approcher l'homme derrière l'agent - pompeuse constatation certes, mais voilà, c'est tout l'enjeu de ce nouveau récit centré sur le personnage et non une histoire à la noix.

L'histoire est bel et bien de type oléagineuse (comme les noix, donc) mais le renversement opéré est le suivant : là où les précédents Bond mettaient en scène un personnage au service d'un récit bancal, ici le récit est tout au service du personnage. Il s'ensuit une résonnance intéressante : on insiste continuellement sur le fait que Bond n'est qu'un agent parmi d'autres, qu'il doit savoir vivre sans reconnaissance, ne jamais douter, et être prêt à tout, surtout mourir, pour son boulot.

Mais en même temps on rentre de plus en plus sur le type d'homme qu'il faut pour parvenir à ça. Ce sacrifice de soi présenté comme une blague dans les précédents films (ouais, Bond faisait ça pour les femmes et la gnôle, et les sensations fortes aussi) est ici montré sur un autre jour. Celui du combat entre la volonté de fer de l'homme avec le flux matériel de l'existence, la souffrance des corps, la destruction brute, les intentions malignes.

Le positionnement de Bond en est magnifié. Sa mise à l'épreuve n'est pas celle du doute sur le bien fondé de son activité - mais sur la façon de conserver la fine et juste ligne nécessaire au maintien de son contrôle, de son identité de fer. On découvre un personnage intéressant, parce que la méthode adoptée n'est pas celle du déni, mais bien celle du flirt continuel avec le doute. La fragilité. La douleur.

De par la force de son corps, dont la présence à l'écran est assez indéfinissable, Craig endosse tout ça à la perfection et arrive à porter l'identité du personnage là où on ne l'attendait pas.
IIILazarusIII
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le 29 nov. 2012

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