Je n'ai pas lu la bande dessinée dont "le Transperceneige" est tiré ; mais à coup sûr elle est meilleure sur un point : on n'y trouve pas de mauvais acteurs. Difficile de passer pudiquement sur Chris Evans : il y a dans le film des manteaux de fourrure qui jouent mieux que lui. Deuxième défaut : les emprunts au jeu vidéo (une scène en vision nocturne, une structure sous forme de niveaux et de « boss » à abattre), que je continuerai à trouver aussi déplacés dans un film qu'un plateau de Monopoly au milieu d'un roman.
Parce qu'autrement, malgré des personnages pas vraiment nuancés, cela s'annonce plutôt convaincant. Dilemmes, paysages désolés, humanité à cran, retours en arrière explicatifs, vase clos totalitaire (avec les emprunts d'usage à "Brave New World"), jeux de contrastes entre haillons sombres et lumières plus ou moins blafardes : les codes du récit post-apocalyptique sont ré-exploités sans casse. Encore ne faut-il pas chercher de finesse dans "le Transperceneige" : à l'image des passagers dans cette scène qui voit le train lancé à flanc de montagne traverser quelques tonnes de neige amoncelée, le spectateur se retrouve à bord d'un film qui fonce droit devant. À cet égard, les quelques passages qui font baisser la cadence sont compensés par des trouvailles visuelles (l'aquarium) ou scénaristiques (la course aux flambeaux, le duel de snipers, les divers retournements de situation) de bon aloi. Tout cela pendant une heure et demie.
Le problème est que "le Transperceneige" en dure deux. Quel est l'intérêt de ces considérations entre Curtis et Wilford, qui sont à la philosophie politique ce que "Matrix" est à la métaphysique ? Qu'apportent ces deux personnages de gamins-tire-larmes ? Que vient refaire là ce personnage qu'on croyait mort, et qui se relève avec un couteau dans le ventre comme on se réveille d'une mauvaise cuite ? Bong Joon-ho a voulu conclure à tout prix un récit qui n'en demandait sans doute pas tant.