Solaris, l’entité döppelganger, maléfique parce qu’elle replonge quiconque la pénètre dans les tourments de ses souvenirs. Leur matérialité fugace, le microcosme mémoriel dans lequel s’enferme le personnage principal, Kris, sont objet d’une réflexion sur l’homme, la vacuité de la science en laquelle il croit, l’idéal d’un amour pur que l’on brise lorsque l’étreinte se fait trop forte.
Les plans en grande majorité redessinent la splendeur de la nature, et la lenteur de la caméra permet au spectateur de s’imprégner de ses multiples beautés, de toutes ses facettes. L’absence de cette forme de vie manque sur Solaris, si bien que l’Homme ruse en la concevant de toutes pièces, simplement par l’attribution des sensations que provoquent le bruit des feuilles fouettées par le ventilateur. Cette même langueur est la marque de fabrique du film, nous laissant apprécier chaque instant d’une image, d’en saisir toute l’importance. Cette même langueur, cependant, tend à contrecarrer la linéarité d’une action, un échange entre deux personnages, ainsi la première demi-heure peut paraître pénible pour un spectateur peu accoutumé aux travaux de Tarkovski. C’est mon cas.
Le film se renverse en son contraire lors de l’arrivée de Kris dans la station. Une ambiance sonore aux accents feutrés qui nous confine dans une autre réalité, la similarité des plans et des décors qui, à chaque fois, sont le théâtre d’une autre scène, d’une autre vision des personnages de leur environnement, d’une autre considération sur les thématiques abordées par le réalisateur. Un effet de miroir auquel les personnages se confrontent tout comme les spectateurs, car bon nombre de répliques, notamment celles prenant place lors de la célébration de l’anniversaire de Snaut, nous font écho.
Si la fable a pour point central Kris, le personnage m’ayant le plus fascinée pour ma part est Khari, époustouflante dans la réappropriation d’une nature humaine toujours binaire dans ses combinaisons, mêlant ici l’amour et le deuil.